« Pas de justice, pas de paix ! » : à Lille, une jeunesse « black-blanc-beur » défile contre le racisme

« Pas de justice, pas de paix ! » : à Lille, une jeunesse « black-blanc-beur » défile contre le racisme

Manifestation contre les violences policières, place de la République, à Lille, le 4 juin.

Barbancourt

le rhum des connaisseurs

Elle se tient droite, debout sur un petit muret, les bras tendus pour que tous puissent lire le message de sa pancarte bricolée sur un bout de carton : « Assez de votre impunité ». Tiffany Towolafonu, âgée de 26 ans, manifeste pour la première fois. « Ça me tenait à cœur d’être là ce soir, dit-elle, masque en tissu sur le visage. A la fois pour dénoncer le racisme envers les Noirs mais aussi pour dénoncer toutes les formes de discriminations, contre les Noirs, les homos, etc. »
Comme elle, beaucoup de jeunes ont répondu, à Lille jeudi 4 juin dans la soirée, à l’appel lancé sur les réseaux sociaux. « C’est fou de devoir se battre pour tous avoir les mêmes droits mais en voyant ces mouvements grandir un peu partout dans le monde, j’y crois », dit Tiffany. Cette aide-soignante née en France de parents d’origine congolaise subit, « parfois », dit-elle, de violents propos racistes comme ce jour où elle a entendu dans une chambre une patiente lui lancer au visage : « T’es sortie comme ça du ventre de ta mère ? »
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« Stop au racisme entre amis »

Après la mort de George Floyd, un Afro-Américain de 46 ans, lors de son interpellation par la police le 25 mai à Minneapolis (Minnesota, Nord des Etats-Unis), la violence vécue d’un racisme ordinaire s’exprime désormais aux quatre coins de la planète. Un racisme quotidien devenu insupportable pour ces jeunes peu habitués à manifester. Chanteuse et musicienne, Nawel Kobb a juste écrit sur sa pancarte : « Stop au racisme entre amis ». Elle décrit ces « blagues que l’on se permet entre potes ». Nawel, 23 ans, a des origines algérienne et marocaine. « Des amis me disent que je fais partie des bons, sous-entendu des bons arabes, intégrés. » Malgré l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes, elle est donc venue dire qu’il est temps que cela change. Masque sur le visage, elle ajoute : « Cette cause est plus importante qu’une pandémie. »
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C’est une jeunesse « black-blanc-beur » qui est venue défiler dans les rues de Lille ce jeudi soir. Une jeunesse en colère, mais pleine d’espoir. Au premier rang de cette manifestation non déclarée en préfecture, Sarah, 22 ans, hurle sa rage : « Pas de justice, pas de paix ! », scande-t-elle. L’étudiante lilloise en chimie réclame la justice pour tous. Et précise : « On nous voit toujours comme des gens inférieurs, parce qu’on est femme et racisée mais ça va changer, doucement, mais ça va changer. » Sur sa pancarte, Sarah, d’origine maghrébine, a écrit en noir : « Un pays sans justice est un pays qui appelle à la révolte ».
Manifestation en mémoire d’Adama Traoré, place de la République à Lille, le 4 juin.

Manifestation en mémoire d’Adama Traoré, place de la République à Lille, le 4 juin. PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS
« Je lutte pour tous les racisés, les non-Blancs »

Une bande de lycéens, tout juste bacheliers, est venue dénoncer « ce système qui a des failles ». Cyril, 18 ans, explique : « On est là pour dénoncer les crimes impunis, et on sera là tant que la justice ne sera pas rendue. » Comme lui, son amie Anna, 17 ans, était déjà présente à la première manifestation improvisée dans les rues de Lille mardi soir. « Moi je suis latina et ce qu’il se passe, ça résonne au sein de ma famille d’origine péruvienne. »
Dans la foule, les slogans « Justice pour Adama ! » succèdent aux « Police, assassins ! ». Une quinzaine de véhicules de CRS sont postés dans les rues du centre-ville. « Je n’ai jamais été contrôlé mais j’ai peur de la police, explique un jeune homme d’origine maghrébine qui refuse de donner son identité. Je n’ai pas confiance en eux. »
Cheveux crépus et grands yeux verts, Océane Verhelst, 20 ans, venue de Quesnoy-sur-Deûle, explique : « J’en veux à la police car ils tuent des minorités ethniques. » Ici, les manifestants parlent peu de George Floyd, mais surtout d’Adama Traoré, ce jeune homme noir de 24 ans mort en 2016 dans une caserne de Persan (Val-d’Oise) après son interpellation, et du racisme ordinaire. « A cause de mes cheveux, j’ai du mal à trouver un job, raconte Océane, en deuxième année de licence de droit. Alors ce soir, je lutte pour ma communauté et pour tous les racisés, les non-Blancs. »
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De 19 heures à plus de 21 heures, le cortège a défilé de la place de la République à la gare Lille-Flandres. Un cordon de CRS a empêché les manifestants de se rendre vers la rue Faidherbe et la Grand-Place. La manifestation s’est terminée par des jets de projectiles. Des heurts ont conclu ce rassemblement qui avait été intitulé sur les réseaux sociaux : « Contre les crimes racistes et les violences policières ».
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Laurie Moniez(Lille, correspondance)

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