Un avocat plaide pour la dépolitisation de la question de décharge

Un avocat plaide pour la dépolitisation de la question de décharge

Lettre au Président Jovenel Moise.
Auteur : Me Sonet Saint-Louis av.

Port-au-Prince, le 20 juillet 2018.

A : Monsieur Jovenel Moise, Président de la République, Chef de l’État
Palais National
En ses bureaux.-

Objet : la décharge administrative des ex haut dignitaires de l’ État.

Barbancourt

le rhum des connaisseurs

Monsieur le Président de la République,

J’ai l’honneur de vous écrire cette lettre dans cette conjoncture spéciale, pour attirer votre attention sur une question fondamentale qui est celle de la décharge administrative des ex ministres, en tant que chef de l’État, garant de la bonne marche des institutions selon ce que dispose l’article 136 de la Constitution de 1987 en vigueur.

En effet, servir l’État ne devrait pas être une façon de priver définitivement la République de ses fils et filles les plus compétents, ni pénaliser les citoyens qui ont servi dignement leur pays.

En tant qu’avocat privé, jouant mon rôle de représentation des clients, je voudrais porter à votre attention des questions de droit relatives à la décharge des ex dignitaires de l’Etat, afin que celle-ci ne devienne pas une source d’abus et de violations systématiques des droits de la personne humaine.

Dans notre communauté juridique, beaucoup d’ éminents avocats croient qu’il n’existe pas de recours contre les actes souverains du parlement. Ma lecture de l’article 136 de la Constitution me porte à croire tout le contraire. Le chef de l’ État, sous l’égide de la Constitution de 1987 est un personnage transversal au-dessus des instituions qui détient de réels pouvoirs.

Selon la Constitution de 1987, la décharge est annuelle et fait partie de la mission de contrôle du parlement sur l’action gouvernementale. Par ces constats, il révèle dans ce cas précis, comme dans beaucoup d’autres que cette fonction de contrôle dont est investi le parlement n’ a jamais été exercée dans le souci de l’intérêt général. C’ est dans l’ indifférence totale que les citoyens assistent chaque jour à l’ effondrement de toutes les institutions de contrôle du pays. Ne serait -il pas opportun, que dans le cadre d’une réforme constitutionnelle sérieuse et de la réforme de l’État de penser à reconstruire cet environnement institutionnel qui est le parlement, afin de mettre cette institution politique légitime de la démocratie au service du bien public et de l’ État de droit.

Faut-il souligner ici que dans le cadre de l’exercice de ce pouvoir de contrôle, la loi fait obligation à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, une institution qui se situe sous la dépendance du sénat de la république, de produire un rapport annuel à la fin de l’exercice fiscal sur la situation financière du pays et la gestion des comptables des deniers publics à travers la loi des règlements. En principe, la question de la décharge administrative n’aurait pas dû être posée pour ces anciens responsables de l’État. Or, il se trouve que la demande de décharge produite par les ex responsables de l’État est constamment bloquée, d’ un coté par la lenteur et l’ inefficacité de l’administration, et de l’ autre par l’inaction souvent calculée par les autorités politiques du parlement. Cette situation qualifiée par plus d’un comme une manœuvre politicienne déloyale propre aux anti démocrates, porte gravement atteinte aux droits civils et politiques de ces citoyens.

En effet, les principes généraux de droit à la base de notre Constitution et de nos lois, donc de notre système de droit, font de l’État d’Haïti le garant et le protecteur des droits des citoyens. En conséquence, je vous prie monsieur le président, d’intervenir auprès du parlement sur cette question précise, en votre qualité de Chef de l’État dont la mission est de veiller à l’exécution de la Constitution et des lois de la République.

Je tiens à rappeler que la question de la décharge est une question constitutionnelle. La prérogative de veiller au respect de la Constitution fait partie des engagements du Président de la République. S’il ne l’accomplit pas, il est donc en infraction à la Constitution. Tout refus de se prononcer sur cette question pourrait être interprété comme un déni de droits. Or, dans un État de droit démocratique, les pouvoirs publics sont astreints à se soumettre à la loi au même titre que le citoyen. De ce fait, le Président de la République doit s’assurer que le comportement des détenteurs des pouvoirs publics reflète les principes de l’État de droit, conformément à notre Constitution en vigueur.

Je rappelle enfin que la Constitution haïtienne de 1987 et les Conventions internationales signées et ratifiées par Haïti garantissent et protègent les droits civils et politiques des citoyens, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui reprend les droits consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il s’ensuit donc, sur la question de la décharge administrative, que l’État d’Haïti dont vous êtes le garant de la bonne marche des institutions, est en infraction au droit international des droits de l’homme.

Tenant compte de ces considérations soulevées ci- dessus, il est urgent de corriger cette situation de non droit, qui est contraire aux principes de l’État de droit, laquelle situation est entretenue par le pouvoir législatif dans la question de la décharge.

Je souhaite alors que l’ article 136 de la Constitution de 1987 qui est une sorte de dérogation au principe de la séparation des pouvoirs soit mis en application afin de mettre fin à cette situation qui a trop duré.

Espérant que vous allez utiliser les prérogatives que vous confère la Constitution, en tant chef de l’ État, arbitre neutre des pouvoirs publics et dépositaire des valeurs des droits de l’homme pour corriger cette situation, je vous prie, Monsieur le Président de la République, de recevoir mes salutations distinguées.

Me Sonet Saint Louis av.
Doctorant en droit international
Sonet 43@hotmail.com
+509 3736-8310/4210-6723

Haiti 24
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