En Afrique, la retraite contrainte de l’armée française se poursuit

En Afrique, la retraite contrainte de l’armée française se poursuit

Des soldats français de la force Barkhane et des soldats tchadiens se préparent à embarquer dans un avion de transport CJ27 Spartan de l’armée nationale tchadienne à l’aéroport de Faya-Largeau, dans le nord du pays, le 2 juin 2022. AURELIE BAZZARA-KIBANGULA/AFP L’armée française l’a toujours considéré comme sa place forte en Afrique. Un porte-avions au milieu du

Des soldats français de la force Barkhane et des soldats tchadiens se préparent à embarquer dans un avion de transport CJ27 Spartan de l’armée nationale tchadienne à l’aéroport de Faya-Largeau, dans le nord du pays, le 2 juin 2022.

L’armée française l’a toujours considéré comme sa place forte en Afrique. Un porte-avions au milieu du désert qui, malgré les vents contraires venus du Sahel ces dernières années, devait être préservé. Le Tchad, qui abrite une des cinq bases militaires de la France sur le continent, et où des générations d’officiers français se sont succédé depuis l’indépendance, en 1960, a annoncé, jeudi 28 novembre, qu’il rompait l’accord de défense liant les deux pays. Une décision « qui marque un tournant historique », selon le communiqué de la diplomatie tchadienne, lequel ajoute que le temps est venu « d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques ».

Si N’Djamena précise que « cette décision ne remet en aucun cas en question (…) les liens d’amitié entre les deux nations », la claque est inattendue pour Paris. Le communiqué est tombé alors que l’avion du ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, venait à peine de décoller du Tchad – après une visite express de vingt-quatre heures dans le pays. A l’Elysée, au ministère des armées, ou encore au Quai d’Orsay, personne ne semblait avoir été prévenu. Plusieurs officiers français, en visite à N’Djamena pour évoquer la poursuite de la coopération militaire, n’avaient pas non plus été informés.

De fait, même côté tchadien, certains semblaient surpris. Selon des sources concordantes, le ministre de la défense lui-même a pris connaissance de cette décision du président Mahamat Idriss Déby juste avant la diffusion du communiqué. Elu en mai, après avoir succédé à son père en 2021, le général de 40 ans faisait figure de dernier allié de la France au Sahel depuis que l’armée française a été chassée du Mali, du Burkina Faso puis du Niger par les juntes qui y ont pris le pouvoir entre 2020 et 2023. Alors qu’il tournait déjà le regard vers Moscou, où il s’est rendu en janvier, le président tchadien n’a guère apprécié que le parquet national financier (PNF) ouvre une enquête préliminaire à son encontre pour des soupçons de biens mal acquis. « Cela a été l’étincelle qui a révolté la famille », relate un officiel à N’Djamena, convenant que « Moscou n’est pas loin », en embuscade.

« Parfum de rupture »

Pour l’armée française, la déflagration tchadienne est d’autant plus désastreuse qu’elle intervient quelques heures après un premier revers infligé par un autre partenaire africain historique : le Sénégal. Juste avant l’annonce de N’Djamena, le président Bassirou Diomaye Faye, défenseur d’une ligne souverainiste, affirmait dans un entretien au Monde qu’il n’y aurait bientôt plus de soldats français – et donc plus de base à Dakar – dans son pays. Bien que les dirigeants français minimisent volontiers le phénomène, après le divorce avec les pays sahéliens, les fissures sont de plus en plus visibles dans toutes les anciennes colonies. « C’est une évolution qui a un parfum de rupture. Cela prend l’eau de toute part », note un diplomate africain.

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