Attaques à Kenscoff : plus de 260 morts et des centaines de maisons brûlées en deux mois, selon l’ONU

Attaques à Kenscoff : plus de 260 morts et des centaines de maisons brûlées en deux mois, selon l’ONU

Dans un rapport publié ce lundi 7 avril 2025, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) dresse un constat alarmant de l’intensification des attaques menées par des gangs armés dans la commune de Kenscoff depuis deux mois. Selon les données recueillies, au moins 262 personnes ont été tuées et 66 autres blessées. Parmi les victimes, 53 % appartiennent à la population civile, tandis que 47 % seraient affiliées à des groupes criminels.

Les premières attaques ont été perpétrées le 27 janvier 2025. Depuis, les violences se sont poursuivies tout au long du mois de mars, ciblant plusieurs localités de la commune, notamment Carrefour Badio, Bélot, Bongard, Boucan, Dépanse, Ramot et Viard. Au moins 30 civils, dont 17 hommes et 13 femmes, ont été tués, et quatre autres personnes ont été enlevées.

Le BINUH précise que la majorité des meurtres ont eu lieu lors de violentes offensives les 24, 25 et 27 mars. Durant ces journées sanglantes, les gangs de Grand-Ravine, Ti Bois et Village-de-Dieu ont délibérément ouvert le feu sur des habitants tentant de fuir les affrontements. Les enlèvements, eux, ont été signalés les 5 et 13 mars dans la localité de Bélot.

Le rapport documente également des cas de violences sexuelles. Au moins sept femmes et jeunes filles auraient été agressées durant la préparation et la mise en œuvre des attaques. Les bandits armées ont par ailleurs incendié plus de 190 maisons et saccagé de nombreuses autres, forçant plus de 3 000 personnes à fuir leurs domiciles.

Selon les Nations Unies, l’objectif des gangs serait de prendre le contrôle de Kenscoff afin de fragiliser Pétion-Ville, un secteur clé de la capitale abritant des institutions étatiques, des banques, des zones commerciales et des ambassades.

« Ces gangs auraient également mené ces attaques pour contrôler la route récemment réhabilitée entre Kenscoff et Jacmel, la seule alternative routière relativement sûre pour accéder au sud d’Haïti », lit-on dans le rapport du BINUH. L’organisation des Nations Unies a souligné que la perte de cet axe stratégique pourrait entraîner des restrictions sévères de mobilité et compromettre les opérations humanitaires dans le Grand Sud.

Toujours selon l’ONU, l’hypothèse selon laquelle ces attaques viseraient à exposer l’incapacité des autorités, dans une logique de déstabilisation, n’est pas à écarter.

Depuis le 31 mars, des alertes circulant sur les réseaux sociaux font état de la présence massive de membres de gangs armés dans plusieurs localités, dont Boucan, Dépanse, Fermathe, Nan Croupi et Thomassin, suscitant de vives inquiétudes parmi la population.

Ces violences ont encore aggravé la crise des droits humains en Haïti, compromettant l’accès aux services de base et provoquant des déplacements massifs de population. D’après l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), plus de 3 000 personnes ont été déplacées entre le 27 janvier et la fin mars. Environ 66 % d’entre elles ont trouvé refuge auprès de familles d’accueil, tandis que les 34 % restants se sont installés dans trois nouveaux sites aménagés à Bongard et Sourcailles, toujours dans la commune de Kenscoff.

Outre les pertes humaines et les dégâts matériels, l’ONU alerte également sur les conséquences économiques et humanitaires. La destruction des habitations, les pillages et les violences généralisées ont considérablement perturbé la production agricole locale. Kenscoff, qui constitue un centre d’approvisionnement en fruits et légumes pour la capitale, voit aujourd’hui sa capacité de production sérieusement compromise. De plus, la menace qui pèse sur la route de Jacmel complique davantage l’acheminement des fournitures médicales d’urgence et de l’aide humanitaire vers le sud du pays.