Covid-19: En Equateur, le difficile ramassage des cadavres dans les rues de Guayaquil

Covid-19:  En Equateur, le difficile ramassage des cadavres dans les rues de Guayaquil

Des employés d’un service de pompes funèbres, le 3 avril à Guayaquil, en Equateur. STRINGER / REUTERS
Dans la ville équatorienne de Guayaquil, Gilber Arango lance vendredi 3 avril un appel à l’aide sur le réseau Twitter. « Cela fait 80 heures que ma mère est décédée. Personne ne vient la chercher. Aidez-nous », implore-t-il. Enveloppé dans un drap blanc, le corps de Maria del Carmen, décédée d’une insuffisance rénale, gît à ses pieds sur le trottoir. « Les hôpitaux sont dangereux et débordés à cause du coronavirus. Ils n’en ont pas voulu », explique quelques heures plus tard Yureinis, la sœur de Gilber.

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La famille d’origine vénézuélienne vivait dans une chambre misérable, la logeuse n’a pas voulu garder la morte, qu’il a fallu veiller dans la rue. « La police est finalement venue, poursuit Yureinis. On nous a dit qu’elle serait incinérée, mais qu’on n’aurait pas les cendres. » Les images de cadavres gisant dans les rues de Guayaquil ont fait le tour du monde. Elles contribuent à semer la panique entre les 2,4 millions habitants de la ville. « La crise, ici, a tourné à l’horreur », soupire Martha Roldos, directrice du média digital Milhojas.
Premier pays du continent sud-américain touché par le coronavirus, l’Equateur enregistrait vendredi 3 368 cas de Covid-19 et 145 décès. Personne n’accorde de crédibilité à ces chiffres. Le président Lenin Moreno lui-même a admis que « les statistiques officielles ne reflètent pas la réalité » et a évoqué la possibilité que « des dizaines de milliers de personnes » puissent être contaminées. Sur les cartes du ministère de la santé, la province de Guayas, dont Guayaquil est le chef-lieu, est en rouge sombre, avec 2 388 cas et 102 décès, soit plus du 70 % du total national.
Centralisation et corruption

Veronica Castillo, cadre d’entreprise, a elle aussi dû attendre plus de quarante-huit heures pour que les services funéraires viennent chercher son père, décédé « très probablement » du covid-19. Elle qui vit dans un grand appartement avec l’air conditionné et a aussi « trouvé le temps long ». Elle conclut : « Je comprends que dans les quartiers pauvres, les gens confinés ne veuillent pas cohabiter avec leurs cadavres. » Guayaquil est un port dynamique, animé mais marqué par les inégalités sociales. La température y dépasse 30º C.
Comme partout, les services hospitaliers qui manquent de masques et de tests peinent à faire face à la pandémie ; plus qu’ailleurs, les services funéraires ont été débordés. Jeudi, le président Lenin Moreno a mis en place une « force d’intervention conjointe » afin que « les morts de Guayaquil aient l’enterrement digne qu’ils méritent ». La Commission interaméricaine des droits de l’homme a exprimé vendredi « sa consternation » face aux difficultés que rencontrent les gens de Guayaquil pour transporter et enterrer leurs proches, en rappelant que « le soin des restes mortels est une forme de respect du droit à la dignité humaine ».

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