EDUCATION EN HAITI ? UN VRAI DEFI

EDUCATION EN HAITI ? UN VRAI DEFI

SE PA FOT MWEN ‘’Se pa fot mwen’’ (traduire en français: ce n’est pas de ma faute ou je ne suis pas responsable) Cette expression est devenue presque caractéristique de l’ haïtien. Elle est constamment évoquée dans toutes les circonstances et par toutes les catégorises sociales. Cela laisserait croire que l’ haïtien ne s’estime jamais responsable et qu’il cherche toujours quelqu’un d’autre sur qui remettre la responsabilité de ce qui arrive. Cela peut signifier également que le citoyen haïtien est et /ou se considère comme un irresponsable, ce qui serait très grave.

Barbancourt

le rhum des connaisseurs

Au fait à bien analyser cette attitude (car c’en est bien une), on se rend compte que cela a rapport d’une part avec l’éducation ou mieux le manque d’éducation et d’autre part avec un faible estime de soi qui empêche l individu d’assumer, de faire face à ses responsabilités.

“Pourquoi s’étonner que nos enfants pensent à se dédouaner, à se déresponsabiliser plutôt qu’à chercher des solutions pour régler les problèmes qu’ils rencontrent?

Nous les avons habitué à la punition en réponse à leurs comportements inappropriés plutôt que trouver des moyens de les régler ou que faire amande honorable” .

C’est ce qu’écrivent Adele Faber et Elaine Mazlish, ces deux américaines récipiendaires de prix prestigieux et qui ont acquis une renomme internationale pour leur expérience dans le domaine de la communication adultes-enfants .

Ce qu’elles disent en parlant des enfants, s’appliquent parfaitement à l’haïtien: enfants et adultes. Lorsqu’on se rappelle les atrocités, les sévices, les punitions qu’ont connus les ancêtres de l’haïtien pendant les quatre siècles d’esclavage et même après l’indépendance (et au delà), cela peut expliquer ce ‘’comportement inapproprié”” avec le ‘’se pa fot mwen’’  qui porte à constamment chercher à se dédouaner, à se déresponsabiliser. Et cela est d’autant plus vrai quand on sait que certains sentiments se transmettent à travers les générations. 
L’ EDUCATION selon le dictionnaire français est ‘’L’ Élévation morale, intellectuelle des hommes de tout age ou d’une collectivité.

Élévation ici ne doit pas être pris dans le sens de ‘’ l’action de rendre plus haut’’ comme par exemple élever une muraille pour la rendre plus haute ou encore ‘’L’élévation des eaux d’une rivière par la fonte des neiges’’ Élévation dans ce contexte est pris dans le sens de ‘’l’Action de s’élever en dignité’’, de noblesse morale, de grandeur intellectuelle. 

De même le terme Morale est pris ici dans le sens de l’ensemble de règles ou principes de conduite, la recherche d’un bien idéal, individuel ou collectif dans une société donnée. Ce qui est différent de la morale considérée sur le plan religieux comme étant la science du bien et du mal. 

Louis Marie de Lahaye de Cormenin politicien et juriste français dans l’ouvrage: ‘’Très humbles remontrances de Timon’’ (1838) dit que: 

‘’Les hommes naissent tous à peu près avec les mêmes facultés et les mêmes penchants ; l’éducation seule fait la différence de nos vertus et de nos talents’’. 

Ce qui est en grande partie vrai lorsqu’on considère combien l’éducation constitue un élément important du développement des personnes. 

Étymologiquement, éducation du latin ’’ educere’’ signifie « guidée hors de » c’est-à-dire développer, faire produire. Plus couramment il signifie maintenant l’apprentissage et le développement des facultés intellectuelles, morales et physiques, les moyens et les résultats de cette activité de développement. Éduquer c’est enseigner, faire apprendre, montrer quelque chose a quelqu’un, le lui faire connaître, le lui inculquer par une sorte de leçon.

“”L’enseignement adapté au besoin réel d’un pays est le meilleur moyen pour lutter contre l’exclusion sociale”. (Mouctar Keita, mathématicien Guinéen connu pour ses pensées et citations). C’est précisément ce qu’il faut au peuple haïtien.

Je parle ici en connaissance de cause étant moi même éducateur/ enseignant. Issu d’une longue lignée d’éducateurs, l’enseignement chez moi est un héritage ‘’épi génétique ’’..En effet je suis né, j’ai grandi et évolué dans cet environnement. Dans ma famille: Arrière grand parent, grands parents et parents les plus proches (i e mon père et ma mère) ont tous exercer cette profession avec leur cœur. Mon arrière grand-père paternel le Docteur Gédéon Civil, médecin de famille, a été professeur et censeur au Lycée Alexandre Pétion; Ma grand-mère paternel: Gabrielle Civil Coicou, ManBie, normalienne, a été une enseignante de carrière, Ma grand-mère maternelle Antonie Hilaire, Manmie Toto / Tototte , a tenu pendant plusieurs années une école de design et de haute couture dans son magasin de tissus et son atelier de confection de vêtements sur mesure d’abord à la rue des Casernes, puis à son domicile à la rue Roy, au Bas-peu-de choses; Ma mère, Docteure Gessy Cameau Coicou a enseigné dans des facultés de médecine privées, à l’académie de police de la PNH, à l’école de la magistrature, au Laboratoire de drogue à Dakar au Sénégal, et a l’UNIF la seule université rurale d’Haiti; Mon père Docteur Robert Antoine Coicou a été Professeur, chef de département et vice-doyen de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de l’UEH, professeur dans des facultés de médecine privées, il a enseigné également à l”UNIF. C’est donc ce qui m’a porté à ces réflexions à propos de mes compatriotes. 

S’il est vrai que l’éducation d’une population est essentiellement l’affaire de l’État, rien n’empêche un citoyen qui dit se soucier du bien-être du peuple de se pencher sur l’éducation de ce dernier et d’y participer, tant du point de vue intellectuel que socioculturel. Lorsqu’on s’autoproclame ‘’leader’’ on doit être unguide, celui qui entraine les ‘troupes’’, celui qui donne le ton et non celui qui suit la bande comme on le voit souvent chez nous. Il doit aussi pouvoir éduquer ses ‘’troupes’’. D’abord, si vous voulez que les gens vous suivent, il faut que vous-même sachiez ou vous désirez aller. En effet le guide, le meneur doit être, entre autre, la personne qui aide les gens à se responsabiliser quand à l’atteinte d’un objectif commun dans une synergie de groupe. Et lorsqu’il s’agit d’une population en très grande majorité non éduquée, comme c’est le cas pour le peuple haïtien, le ‘’leader’’ doit savoir bien  communiquer, de façon claire et précise. Ce n’est pas exactement ce que vous dites qui est important, c’est ce que les gens comprennent et retiennent de votre message, ce qui est fort différent. Comme le dit si bien Jean-Jacques Say dans: ‘Dans hommes et de la société (1817)’’ : < Il en est de la plaisanterie comme de la musique : un peu fait plaisir, quand elle est bonne ; davantage fatigue; et ces deux divertissements, trop prolongés, excèdent >. Il faut également comprendre qu’il y a des sujets avec lesquels, on ne doit pas plaisanter. Par exemple, lorsqu’une maladie aussi grave que le covid19 frappe la communauté et le monde entier, il est de mauvais ton et même très grave d’utiliser le nom de cette maladie pour qualifier des adversaires politiques et essayer ainsi de faire une plaisanterie. Celui qui agit ainsi en plus de ne pas être drôle, ni plaisant, comme il souhaitait l’être, mais cette façon de faire banalise la maladie et participe du scepticisme de la masse populaire vis-à-vis de cette maladie.     
D’un autre coté, celui qui prétend être un leader ou qui désire être un leader doit être un modèle par ses actions. Le véritable leader, le leader performant doit être un exemple non seulement dans ses paroles, mais surtout dans ses actes car ses agissements produisent un effet beaucoup plus fort que ce qu’il dit. Il doit s’agir cependant de modèle POSITIF. Mais malheureusement, certaines personnes qui s’érigent en leader projettent de très mauvais modèles. Ces leaders autoproclamés ne se sentent confortables que dans le scandale. Ils fouinentpartout à la recherche de scandales,  même là où il n’en existe pas. Alors, souvent dans ces cas ils en inventent. Les esclandres, les baroufles sont leur raison de vivre et de fonctionner. Dommage ! Une grande partie de la masse populaire non éduquée (constituée surtout de jeunes) et même certains soit disant lettrés, adoptent ces modèles. Et naturellement, le résultat est ce à quoi nous assistons actuellement. 

Parfois il semble que les meneurs, les décideurs et ceux qui se disent des leaders, considèrent le peuple, la masse populaire comme des enfants, des sujets à ’utiliser’’. La preuve ne constate t-on pas une certaine volonté chez ces ‘’leaders’’ a constamment minimiser les masses populaires: A titre d’exemple: proclamer sans arrêt que la masse populaire n’est pas capable de comprendre certaines expressions, ou ne peut pas avoir un comportement responsable. Egalement, le fait de chercher des justifications à toutes les dérives de certains individus, en prétextant que c’est toujours comme cela que les gens du peuple agissent en général ; que cette attitude est due à la pauvreté, ou encore en qualifiant des délinquants d’‘’agents de développement’’ …etc. Comme si la pauvreté dans le pays est un ‘’événement ‘’ nouveau, qui a surgit soudainement. Pourquoi ne pas dire, sans langue de bois, sans chercher de justification farfelue que telle attitude est mauvaise, sans tout mettre sur le dos de la pauvreté et surtout proposer des corrections. 

L’histoire et le témoignage des aînés qui ont vécu toute leur vie en Haïti, indiquent qu’il y a toujours eu des défavorisés, des pauvres dans le pays, mais ils n’ont jamais agi comme des bandits, des délinquants. Et même si le taux d’analphabétisme a toujours été élevé, pour toutes sortes de raisons sur lesquelles il n’y a aucune économie à revenir, les familles inculquaient à leurs membres des valeurs qui régulaient la vie en société, le respect de soi et des autres…. Il est donc important que la société haïtienne retrouve ces valeurs et que dans un effort collectif, chacun suivant ses moyens et ses compétences, participe à l’éducation de la masse populaire. Par-dessus tout, le plus important est que nous œuvrons tous ensemble pour que l’éducation ne soit plus un luxe et de ce fait une source d’exclusion, mais un droit accessible à tous.

Par Anthony Coicou

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