Haïti-Sécurité: Mario Andrésol plaide en faveur de la redynamisation des institutions policière et judiciaire du pays

Haïti-Sécurité: Mario Andrésol plaide en faveur de la redynamisation des institutions policière et judiciaire du pays
Haïti-Sécurité: Mario Andrésol plaide en faveur de la redynamisation des institutions policière et judiciaire du pays

Mille cent dix huit (1118), c’est le nombre total de policiers décédés au sein la Police Nationale de la date de sa création à nos jours. De ce nombre, quatre cent cinquante (450) sont tombés sous les balles assassines de bandits armés. L’institution a donc perdu, en moyenne, une cinquantaine de policiers dont une vingtaine de tués par balles chaque année depuis son existence.

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Et si on ajoutait à ce nombre celui de personnalités et de simples citoyens assassinés ou portés disparus au cours de cette même période, on se rendrait compte que l’état, qui doit assurer la protection et la sécurité de la population, ne s’est jamais donné les moyens pour tenter d’accomplir cette mission régalienne. La question de la sécurité au quotidien, la lutte contre la criminalité et la prévention de la délinquance n’ont jamais fait l’objet d’une prise en compte politique accrue.

Les autorités politiques haïtiennes ont toujours considéré comme un investissement perdu tout déblocage de fonds pour la prévention et la répression du crime. En raison de cette perception marchande de la sécurité, nos autorités gouvernementales, notamment les ministres de l’économie et des finances et ceux de la Planification rechignent souvent à accorder aux responsables de la force publique un budget de fonctionnement et d’investissement raisonnable, leur permettant de répondre tant aux besoins de sécurité immédiats qu’aux défis de sécurité à venir. Ces derniers, dépourvus donc de moyens financiers suffisants, se retrouvent toujours dans l’incapacité d’assurer une gestion efficace de l’ordre et de la sécurité par manque de capacité matérielle d’action.

Autrement dit, l’état ne s’est jamais construit de véritables politiques publiques de sécurité qui concernent l’action de la police et de la justice. De plus, l’optimisation des résultats en matière de lutte contre l’insécurité ne peut être atteinte que si les actions conjuguées de la Police et de la justice s’inscrivent dans le cadre d’une politique pénale. Autant dire, la lutte contre la criminalité n’influe durablement sur la perception et le climat de sécurité que lorsque ces criminels ou bandits sont poursuivis, jugés et condamnés publiquement par les tribunaux.

Cette absence de politiques publiques de sécurité fait que les mesures et les dispositifs y relatifs pris, par les responsables des forces de l’ordre, n’ont donné, jusque-là, que des résultats à court terme puisque l’insécurité n’a jamais été combattue dans ses racines. En effet, des facteurs institutionnels, sociaux et économiques construits avec le temps ont, non seulement, généré, depuis des décennies, une trajectoire historique de l’insécurité, mais ont aussi la particularité de la perpétuer, sur le long terme, en lui fournissant au quotidien les éléments nourriciers. Et, tant que ces facteurs ne seront pas pris en compte l’insécurtié multiforme qui endeuille nos familles sera toujours récurrente.
La lutte contre la criminalité requiert, donc, des mesures à la fois armées (mises en œuvre par la Police), pénales (assurées par les juges), politiques (consacrées par le gouvernement) et législatives (dépendant du Parlement).

En matière de sécurité et de lutte contre la criminalité, depuis des décennies nous allons à vau-l’eau. Malgré le retour de la démocratie et les treize ans de présence de la MINUSTAH dans le pays, nous n’avons toujours pas divorcé d’avec ces vieilles pratiques qui nous ont valu, dans le temps, tant de déboires, tant de morts et de disparus.

La présence d’un groupe se réclamant des ex-FAD’H à l’aéroport pour accueillir le Président de la République, l’opération à Lilavois menée, à la manière des escadrons de la mort, par des individus cagoulés vêtus de l’uniforme de la Brigade d’Opération et d’Intervention Départementale (BOID) à bord de véhicules sans plaques d’immatriculation suite à l’assassinat du policier Jean Watson, les violentes manifs des 12 septembre et 17 octobre 2017 au cours desquelles des magasins, des véhicules et des stations d’essence ont été incendiés, des civils à bord de véhicules portant des plaques « Service de l’Etat » tirant à l’arme automatique sur les manifestants, le cas récent de la maison mitraillée du responsable d’ Education Pour Tous (EPT), la mort de deux policiers, de présumés bandits et de riverains au cours d’une operation menée par les unités spécialisées de la PNH à Grand Ravine sont venus nous rappeler des époques que nous croyions révolues.

Au nom de la démocratie la nation continue de payer au prix fort les lacunes de l’état. De Yves Volel à Guy Malary, de Mireille Durocher Bertin à François Latour, du Général Mayard à Jean Dominique, du Colonel Jean Lamy aux enfants de Viola Robert, de Félix Lamy à Joseph François Robert Marcello, de Brignol Lindor à Jacques Roche, du Père Jean Marie Vincent au Sénateur Yvon Toussaint, de Michel Gonzalès au Pasteur Leroy, d’Antoine Izméry à Jacques Fleurival, de la policière Marie Christine Jeune au Policier Boyard Jimmy sans oublier les milliers de citoyens anonymes et les pauvres gens “sales” (comme se plaisent à les appeler certains) des ghetos de Fort Touron ou de Cité Soleil, de Raboteau ou de La Fossette enlevés chez eux pour être, sommairement, exécutés par les escadrons de la mort ou, des fois, par des éléments des forces de l’ordre. Le mal change toujours de physionomie, mais il est partout présent là où l’impunité assiège la Justice.

En Haiti, les enquêtes ne se poursuivent que par choix. Car, la police, dans une certaine mesure, finit toujours par mettre la main au collet des criminels. Les cas d’assassinats politiques ou d’opposants arrêtés pour des motifs fictifs ou réels et tout autre cas ayant rapport avec la politique sont traités selon les voeux de l’Exécutif. Cette situation ne date pas d’aujourd’hui. L’état de droit tant rêvé reste utopique, malgré la MINUJUSTH.

Les problèmes de fond qui font que la République reste bancale depuis des années ne sont jamais posés de manière à trouver des solutions durables.
Dans tous les domaines nous improvisons. La situation économique de privation et d’exclusion qui touche plus de 70 /100 de la population, en plus de susciter une polarisation radicale des classes sociales, transforme les quartiers pauvres en des espaces sociaux naturellement portés vers la criminalité.
L’incapacité de l’État à fournir des pièces d’identification authentiques à chaque citoyen génère une situation d’anonymat qui renforce la préservation de la nature clandestine des gangs.
Les constructions anarchiques et le phénomène de bidonvilisation engendrent des espaces sociaux et urbains confinés et difficilement accessibles aux forces de l’ordre.
La déforestation intensive et l’exploitation abusive des mines de sable, portent gravement atteintes à l’équilibre du système écologique et géologique. Cette relation parasitaire que développe la majorité des haïtiens vis-à-vis du milieu naturel, rende non seulement le pays extrêmement vulnérable aux intempéries et aux mouvements sismiques, mais expose aussi tous les jours la population civile haïtienne à des risques d’insécurité environnementale avancée.

La lutte pour le contrôle du pouvoir politique, elle, reste une constante. Elle s’intensifie, chaque jour davantage, pendant que le chaos s’installe dans le pays. Nos institutions sont de plus en plus fragiles. Fragilité caractérisée par l’absence de maturité et de compétence et, de surcroît, par la culture malhonnête de la vénalité entretenue par une corruption qui bat le record. Quand dans un pays les institutions sont lacunaires, il revient, toujours, aux hommes et aux femmes de bonne volonté de redoubler de patriotisme pour, ensemble, participer à l’oeuvre de redéfinition commune. “Quelle meilleure! Quelle plus noble! Quelle plus glorieuse tâche que celle qui consiste à retisser les fils de la mémoire, de la volonté, de la tolérance, de l’énergie pour réapprendre à vivre ensemble”. Ce qui forme selon Renan : L’essence d’une nation.

Il est donc temps de boucler le cycle de tous les sentiments vécus aux dépens du moi national crucifié par nos ambitions et nourri d’incompétence voulue. C’est le moment des prises de responsabilité citoyenne. C’est le moment des sacrifices, de la création. C’est le moment de la transcendance. A ce prix seulement, nous réussirons à sortir des filets du narcissisme et de la mégalomanie de nos arrivistes.

Mario Andresol

Haiti 24
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