« Imaginez-vous, ici, autrefois, c’était une autoroute à bateaux ! », lâche le bateleur Charles Deram, alors que, présentement, dans la bise, nous sommes seuls à naviguer sur le Narstroom, l’une des 170 voies navigables qui quadrillent le marais audomarois. La quiétude givrée semble d’ailleurs appréciée des piafs, comme ces quelques foulques macroules qui font une virée entre les roseaux.

Le bacôve, un bateau à fond plat traditionnel, désormais équipé d’un moteur électrique, fait si peu de bruit en glissant sur l’eau sombre que l’unique pêcheur à braver le froid ce jour de novembre ne nous a pas entendus arriver et tire précipitamment sur sa ligne à brochet pour ne pas l’emmêler. Charles Deram coupe volontiers son moteur quelques instants. Dans le marais audomarois, à deux coups d’ailes du centre-ville de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, on n’est pas pressé.

Au bout de la navigation, de cours d’eau en canaux, de fossés en rivières, à une trentaine de kilomètres, il y a Gravelines (Nord) et la mer. Autour de nous, 3 700 hectares de la plus grande zone humide des Hauts-de-France et le dernier grand marais maraîcher de l’Hexagone, un labyrinthe aquatique que le batelier de la Maison du marais, équipement public et porte d’entrée de ce dédale, connaît comme sa poche. Mais il y a belle lurette que le charivari des bacôves « qui pouvaient charger jusqu’à 4 tonnes de marchandises, d’outils, d’animaux et même des tracteurs », note Charles Deram, n’est plus d’actualité. Car, désormais, les légumes prennent la route.

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