Religion : « A l’ère des médias de masse, les scandales de blasphème génèrent une véritable machine identitaire, alimentant un supposé choc des civilisations »

Religion : « A l’ère des médias de masse, les scandales de blasphème génèrent une véritable machine identitaire, alimentant un supposé choc des civilisations »

Barbancourt le rhum des connaisseurs Les attentats contre Charlie Hebdo et Samuel Paty, la tentative d’assassinat contre Salman Rushdie ou les controverses à propos d’une supposée « Cène » parodique lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris ont rappelé, chacun à leur manière, que la question du blasphème n’appartient plus à un passé révolu,

Barbancourt

le rhum des connaisseurs

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Les attentats contre Charlie Hebdo et Samuel Paty, la tentative d’assassinat contre Salman Rushdie ou les controverses à propos d’une supposée « Cène » parodique lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris ont rappelé, chacun à leur manière, que la question du blasphème n’appartient plus à un passé révolu, même dans les sociétés occidentales.

Se pose-t-elle néanmoins dans les mêmes termes que par le passé ? Dans un entretien au Monde, l’historien allemand Gerd Schwerhoff, professeur à l’université technique de Dresde et auteur de Dieux maudits. L’histoire du blasphème (Ed. de la Maison des sciences de l’homme, 488 pages, 39 euros), éclaire la longue histoire des offenses au sacré et des réactions qu’elles suscitent, depuis l’Antiquité jusqu’aux controverses contemporaines.

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Existe-t-il une définition partagée du blasphème, valable à travers les siècles ?

Non, aucune n’est valable universellement. On peut comprendre de manière assez générale le blasphème comme une offense au sacré. Mais surgit immédiatement une autre question : celle de la définition du sacré, qui varie selon les cultures et les époques. En définitive, ce n’est pas l’intention du locuteur qui détermine si quelque chose est blasphématoire, mais la perception et la réaction de son environnement social.

Peut-on néanmoins considérer que la notion apparaît avec la Bible, notamment dans ce passage du Décalogue où Yahvé interdit de « prononcer à tort le nom de Dieu » (Exode 20,7) ?

Dans le monde polythéiste antique, les dieux pouvaient être ridiculisés et rabaissés, il est donc vrai que le dénigrement du sacré au sens strict ne naît qu’avec le monothéisme. L’exigence inconditionnelle de fidélité à sa propre foi s’accompagne alors d’un rejet farouche de tous ceux qui ne partageaient pas cette foi ou qui la violaient. Ainsi, la loi transmise par Moïse, telle qu’elle apparaît dans le Lévitique, stipulait que quiconque blasphémait le nom du Seigneur devait être lapidé par la communauté (Lévitique 24, 16).

A qui s’en prend-on quand on blasphème ? Est-ce Dieu qui est visé ?

Selon la conception chrétienne classique du blasphème, c’est avant tout Dieu qui est offensé, mais cela peut aussi être Marie et ses saints. Les théologiens médiévaux définissent le blasphème comme une atteinte à l’« honneur » de Dieu, ce qui est une accusation grave dans une société où l’honneur joue un rôle central.

Selon cette conception, le Créateur réagit de manière très humaine à une offense, puisqu’il se met en colère et menace de punir toute la communauté par la famine, les épidémies ou la guerre. Les dirigeants chrétiens devaient empêcher cela et infliger de sévères châtiments aux blasphémateurs, afin de se concilier Dieu. Le premier à agir ainsi fut l’empereur Justinien [482-565], au VIe siècle, qui menaça de mort ceux qui prononçaient des serments et malédictions blasphématoires. Bien d’autres prendront des mesures similaires, comme Saint Louis [1214-1270] en France, au XIIIe siècle.

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