La publication samedi dernier du décret sur le fonctionnement de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) a suscité une pluie de réactions au niveau de la société. Si beaucoup de citoyens assimilent ce nouveau texte à une tentative d’affaiblissement de l’institution, du côté du pouvoir, les arguments vont, sans surprise, dans le sens contraire.
“On n’enlève pas le pouvoir de contrôle de la Cour des Comptes. Elle a tout son pouvoir de contrôle, mais le contrôle se fait à posteriori”, a précisé le président de la République Jovenel Moïse sur Télé Métropole, ce lundi matin. Aux dires du chef de l’Etat, ce décret présidentiel ne fait qu’alléger les travaux de ladite Cour, qui, selon lui, accusait des retards inacceptables dans le traitement de certains dossiers.
M. Moïse avait clairement exprimé sa volonté de revoir le mode de fonctionnement de la CSCCA lors du dialogue communautaire tenu au Palais national le 6 septembre dernier. Donné au Palais national trois jours plus tard, le texte est publié deux mois après le dialogue. Pour justifier sa décision, Jovenel Moïse brandit les articles 200-2 et 200-4 de la constitution de 1987.
Par ce décret, le locataire du Palais national dit vouloir défendre l’intérêt de la majorité. “Il y a des décisions qui attaquent des intérêts particuliers. Nous sommes là pour travailler au bien-être collectif”, a-t-il laissé entendre, croyant que des erreurs ont été glissées dans le texte du décret du 23 novembre 2005 et qu’il est de son devoir de les corriger.
“Le pouvoir de la CSCCA est renfocé”, pense Rénald Lubérice
Le secrétaire général du Conseil des ministres, Rénald Lubérice a abondé dans le même sens. Sur une autre station, il a tenté de justifier cette décision du pouvoir perçue comme un muselage imposé à la CSCCA. “Ce décret lui attribue son vrai rôle, comme cela se fait dans tous les autres pays”, pense Rénald Lubérice.
Pour M. Lubérice, la Cour des comptes était à la fois juge et partie, avant ce décret. Elle a participé au processus d’approbation des contrats et après elle aura à les juger. C’est anormal, de l’avis du secrétaire général du Conseil des ministres, prenant en exemple les contrats de PetroCaribe.
La publication du décret au moment où tous les yeux étaient rivés sur les élections américaines a été calculée, à en croire des citoyens qui appellent à la protection des institutions indépendantes du pays. L’économiste Etzer Emile y voit un coup porté à la démocratie et à l’Etat de droit.
“Ce nouveau décret sur la Cour des Comptes est le plus indécent. Jamais, depuis 1986, un chef d’Etat haïtien n’a montré autant de velléités de neutraliser les institutions de contrôle. De grâce, ça suffit” a tweeté le président de Haïti Efficace, le lendemain de la publication du décret.
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