La réintégration des 5 policiers soulève des débats

La réintégration des 5 policiers soulève des débats

Il y a un mois de cela, le pays a connu une situation de trouble qui a menacé la sûreté nationale avec des policiers qui voulaient instituer un syndicat au sein de la Police Nationale pour défendre leurs intérêts. Un mouvement qui risque de servir de prétexte à d’autres mouvements qui pourraient avoir lieu dans pays, selon certains observateurs.

Cette initiative lancée depuis plusieurs mois par des policiers avait été désavouée par le haut commandement de l’institution qui s’est basé sur les règlements internes de la PNH interdisant la constitution de syndicat.

Les policiers réfractaires sont allés jusqu’à utiliser leurs armes de service pour se faire entendre. Le 7 février 2020, une séance d’audition de Yanick Joseph, tête de pont du mouvement, à l’Inspection Générale de la Police Nationale d’Haïti (IGPNH) a tourné au vinaigre. Car, des policiers protestataires ont saccagé les locaux de l’institution et ont menacé le personnel qui s’y trouvait.

10 jours plus tard, soit le 17 février, après avoir livré leur message devant les locaux de la Direction Générale de l’institution à Pétion-Ville, certains des protestataires se sont dirigés vers le Champ-de-Mars. De là, ces policiers ont mis le feu aux stands carnavalesques se trouvant sur les lieux, dont celui de la Présidence, pour faire passer leurs revendications et montrer leurs hostilités à la réalisation du carnaval. Des coups de feu ont été également entendus. Les usagers du Champ-de-Mars ont dû rebrousser chemin ou se mettre à l’abri.

Par rapport à cette situation, le 18 février 2020, le Directeur Général de la Police Nationale, Rameau Normil, a tranché sur recommandation de l’IGPNH en limogeant Yanick Joseph, leader du mouvement, des Agents 2 Abelson Gros Nègre et Gédéon Mombrun, de l’Agent 1 Yens Lamarre et de l’InspecteurJean Elder Lundi. Une décision entérinée par le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, l’instance de tutelle de la PNH.

Mécontents, le 19 février 2020, des policiers ont organisé dans la Capitale une manifestation violente pour réclamer non seulement le droit de se syndiquer mais aussi la réintégration des 5 policiers révoqués.

Pour trouver une issue à la crise, en date du 24 février, une commission de facilitation de dialogue a été créée par la Direction Générale de la PNH. Cette médiation a été assurée par l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) qui, après avoir rencontré les protagonistes, a recommandé la révision de la mesure disciplinaire prise à l’encontre des 5 policiers.

Par ailleurs, par un arrêté paru en date du 10 mars, le Premier Ministre Joseph Jouthe, également Président du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN), a reconnu le droit aux policiers de constituer leur syndicat.

En effet, en date du 21 mars 2020 a eu lieu la réintégration des 5 policiers révoqués par la Direction Générale de la PNH. L’annonce a été faite par le Porte-parole de l’institution, Michel-Ange Louis-Jeune lors d’une conférence en brandissant l’article 18 du manuel du personnel policier qui traite des mesures de réintégration. Il est à noter que, dans la foulée, la Direction Générale a créé le 25 mars un Service de Bien-Être (SBE) au sein de la PNH dont la mission sera de promouvoir le bien-être socio-économique du personnel policier.

Par rapport à la chronologie des évènements, considérant la crise multidimensionnelle que connait le pays et vu que les policiers ont obtenu gain de cause suite à des actes de violence perpétrés en marge de leurs différents mouvements de rue, certains observateurs se demandent : si cette manière de gérer la situation ne légitime pas l’usage de la violence par n’importe quel autre secteur pour faire passer ses revendications ? Ou encore, ce dossier ne fragilise-t-il pas davantage la PNH ?

Toutefois, rappelons qu’au moment de la révocation de ces policiers, le Directeur général de la PNH, monsieur Rameau Normil avait déclaré : « Ces policiers ne sont pas révoqués parce qu’ils réclamaient un syndicat, ils ont le droit de réclamer de meilleures conditions de travail. Ils ont été révoqués pour indiscipline, atteinte à l’honneur de l’institution et acte de vandalisme ».

En définitive, si certaines des revendications des policiers semblaient justes, des observateurs de la crise retiennent que ce mouvement au cours lequel il y a eu des affrontements entre policiers et militaires au Champ-de-Mars, le 23 février, ouvre la voie à l’usage de la violence pour faire passer ses revendications et doutent sur la capacité de la PNH à éviter ces genres de violences à l’avenir.