(Washington) Élus et responsables américains ne décolèrent pas au sujet de la gestion du coronavirus par la Chine. Mais dans leur bras de fer avec Pékin, ils sont confrontés à une dure réalité : les États-Unis dépendent désespérément d’équipements chinois pour lutter contre la pandémie. Publié le 3 avril 2020 à 12h36 ✓ Lien copié Shaun
(Washington) Élus et responsables américains ne décolèrent pas au sujet de la gestion du coronavirus par la Chine. Mais dans leur bras de fer avec Pékin, ils sont confrontés à une dure réalité : les États-Unis dépendent désespérément d’équipements chinois pour lutter contre la pandémie.
Depuis des semaines, Washington dénonce un manque de transparence chinois lors de l’apparition de la maladie COVID-19 à Wuhan en décembre qui, selon Donald Trump, a coûté « de nombreuses vies dans le monde entier ».
Mais une accusation plus grave a fait son apparition ces derniers jours : selon un rapport du renseignement américain évoqué par des médias et relayé par de nombreux parlementaires, la Chine a carrément menti sur le nombre de cas et de décès dus à l’épidémie, largement sous-évalués.
« Un grand nombre, encore inconnu, de personnes sont mortes alors qu’elles n’auraient pas dû mourir, en raison du comportement du régime autoritaire de Pékin », a tancé sur Twitter John Bolton, ex-conseiller de Donald Trump, en résumant le sentiment de nombreux élus.
Interdire les importations ?
Le président des États-Unis, tout en semblant confirmer les conclusions du renseignement, s’est lui montré moins virulent ces derniers jours, parlant de chiffres « un peu sous-estimés ».
Depuis le début de la crise, le milliardaire républicain oscille entre vives remontrances et marques d’amitié pour son homologue chinois Xi Jinping.
Faut-il y voir un lien avec le fait que Washington a malgré tout besoin de son premier adversaire ? Difficile à dire.
Les appels se multiplient en tout cas pour que les États-Unis gagnent en autosuffisance. John Bolton toujours : « Nous avons besoin de nouvelles politiques pour mettre fin à la surdépendance de nos chaînes de production à l’égard de la Chine, notamment pour des produits-clés comme les vaccins ».
Ce faucon de la diplomatie américaine a ses relais au Congrès, comme le sénateur républicain Tom Cotton qui propose d’interdire toute importation de principes actifs pour l’industrie pharmaceutique depuis la Chine à compter de 2022.
Car les chiffres sont éloquents.
Avant la crise, la Chine produisait près de la moitié des importations américaines de masques de protection, dont la pénurie est aujourd’hui criante.
Et alors que la COVID-19 semble tant bien que mal endiguée dans le géant asiatique, ce pays s’avère être le premier recours du reste du monde pour les équipements de protection contre le virus.
Les producteurs américains ont augmenté leurs capacités, mais cela reste très en deçà des besoins actuels.
« La Chine est une source d’approvisionnement extrêmement importante pour ces produits tellement indispensables en ce moment, pour les États-Unis comme pour les autres », explique Chad Bown, du Peterson Institute for International Economics.
Cette dépendance vis-à-vis de Pékin place aussi les importateurs face à de mauvaises surprises.
Dan Harris, un avocat qui représente des sociétés dans les marchés émergents, a récemment raconté sur son blogue comment trois entreprises avaient été arnaquées en achetant pour plus d’un million de dollars de ces masques chinois censés bloquer 95 % des très petites particules. L’une d’elles a reçu une cargaison de « masques de Halloween moisis et poussiéreux ».
Le problème des principes actifs
Certains observateurs redoutent en outre que les États-Unis ne soient pas en position optimale en raison de la guerre commerciale engagée par Donald Trump avec Pékin.
« Quand on lance une guerre commerciale avec un pays que l’on défie ouvertement alors même qu’on dépend de lui pour certaines choses, on se handicape tout seul », prévient Chad Bown.
Au-delà des masques, Yanzhong Huang, expert en santé publique au cercle de réflexion Council on Foreign Relations, juge encore plus problématique la question des principes actifs indispensables à la production de médicaments.
Lors d’une audition parlementaire l’an dernier, il avait été signalé que plus de 80 % de ces ingrédients pharmaceutiques cruciaux sont importés par les États-Unis, essentiellement de Chine ou d’Inde.
Huang souligne toutefois que Washington est mieux placé sur certains secteurs, comme les traitements pour des maladies non contagieuses qui inquiètent de plus en plus côté chinois.
« La Chine est en position de force mais ce n’est pas à sens unique », dit-il, estimant qu’il ne serait « sage pour aucun pays d’utiliser cela comme une arme ».
L’économiste Chad Bown estime d’ailleurs que les États-Unis ne devraient pas viser l’autosuffisance médicale, mais diversifier l’origine de leurs importations.
« Avec une pandémie comme celle-ci, aucun endroit de la planète n’est à l’abri », prévient-il.