L’Europe reste « dans l’œil de cyclone » face à l’épidémie de nouveau coronavirus, a averti jeudi l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), au moment où plusieurs gouvernements ont décidé ou envisagent d’assouplir les mesures de confinement prises contre cette pandémie meurtrière.
Pauline FROISSART, avec Ouerdya AIT ABDELMALEK à Paris et les bureaux de l’AFP dans le monde
Malgré les « signes encourageants » constatés, le nombre de cas a presque doublé au cours des dix derniers jours en Europe, pour atteindre près d’un million, a souligné Hans Kluge, directeur Europe de l’OMS, lors d’une conférence de presse à Copenhague.
L’agence spécialisée de l’ONU exhorte donc les dirigeants européens à « ne pas baisser la garde » et à s’assurer que le virus est sous contrôle avant la levée des restrictions.
Depuis son apparition en Chine en décembre, la maladie COVID-19 a infecté plus de deux millions de personnes à travers le monde et fait plus de 137 000 morts, dont plus de 90 000 rien qu’en Europe, selon un comptage réalisé par l’AFP à partir de sources officielles jeudi à 6 h 30.
Mardi, l’OMS avait déjà souligné que « le monde (était) à un tournant » et préconisé une très grande progressivité dans les mesures de déconfinement pour éviter une deuxième vague d’infections.
Anxieux des conséquences dramatiques des restrictions pour leurs économies à l’arrêt et arguant du ralentissement des admissions en soins intensifs et des hospitalisations, plusieurs pays européens ont commencé à élaborer leurs plans de déconfinement et même à assouplir quelques mesures.
La Suisse entend dévoiler son plan jeudi tandis que l’Allemagne compte rouvrir prochainement certains magasins et, à partir du 4 mai, les écoles et lycées.
Mercredi, près de la moitié des écoliers du Danemark ont retrouvé leurs salles de classe après un mois de fermeture. L’Autriche a rouvert mardi ses petits commerces non essentiels et l’Italie, deuxième pays le plus affecté au monde avec 21 645 morts, a aussi rouvert certaines boutiques.
En Espagne (19 130 morts), une partie des salariés a repris le chemin du travail. Mais le télétravail reste la norme et le plan de confinement devrait être prolongé au-delà du 25 avril.
Quant à la France (17 167 morts), elle prépare aussi son plan de déconfinement progressif à partir du 11 mai, après avoir décidé lundi de prolonger ses mesures de restriction.
Cimetières débordés
Aux États-Unis, Donald Trump entend relancer la machine économique au plus vite et doit présenter jeudi sa feuille de route.
« Nous allons rouvrir des États, certains États beaucoup plus tôt que d’autres. Certains États pourraient en fait ouvrir avant l’échéance du 1er mai », a assuré le président américain mercredi, estimant les États-Unis ont probablement « passé le pic » des nouveaux cas.
Le pays paie le plus lourd tribut au monde avec 30 985 décès pour 639 664 cas.
A New York, où les crémations ont plus que doublé et les enterrements quintuplé, Green-Wood, son plus grand cimetière, est arrivé à la limite de ses capacités.
« Et ce n’est pas que Green-Wood », assure Eric Barna, membre de la Metropolitan Cemetery Association, qui regroupe notamment les cimetières de New York. « On est arrivé au point où le système ne peut pas gérer un tel volume en si peu de temps ».
Dans ce contexte, le Royaume-Uni s’apprête à annoncer jeudi la poursuite de son confinement.
« Je ne vais pas préjuger de la décision officielle qui va être prise mais nous avons été clairs sur le fait qu’il est trop tôt pour un changement », a déclaré jeudi matin le ministre britannique de la Santé Matt Hancock, dont le pays est un des plus touchés avec près de 12 868 morts dans les seuls hôpitaux, et des inquiétudes sur les victimes en maisons de retraite, qui ne sont pas comptabilisées dans les bilans quotidiens des autorités.
Migrants transférés
Ailleurs aussi, des pays comme la République démocratique du Congo (21 morts) restent sur le qui-vive. Les autorités congolaises craignent en effet « le pire » dès début mai à Kinshasa où l’épidémie « entre dans une phase exponentielle ».
Les écoles, lieux de cultes, bars et boîtes de nuit sont fermés mais les marchés municipaux restent ouverts, avec vendeurs et acheteurs s’agglutinant sans respecter le mètre de distance requis.
Le premier ministre japonais Shinzo Abe a lui annoncé jeudi l’extension de l’état d’urgence à l’ensemble de l’archipel nippon. Ce dispositif ne se traduit pas par un confinement obligatoire, mais permet aux autorités régionales de recommander fortement aux habitants de restreindre leurs déplacements et d’inciter certains commerces à fermer.
Pour protéger du coronavirus les demandeurs d’asile âgés ou malades vivant dans les camps surpeuplés des îles en mer Égée, la Grèce a décidé jeudi d’entamer dimanche leur transfert vers sa partie continentale de centaines d’entre eux.
En Chine, malgré des critiques venues de l’étranger, les marchés de rue ont rouvert à Wuhan quatre mois après l’apparition de la COVID-19 dans cette cité du centre de la Chine.
De l’avis des experts, le nouveau coronavirus a fait son apparition fin 2019 dans un marché de la ville, où des animaux exotiques étaient vendus vivants. Le virus d’origine animale aurait pu y muter en se transmettant à l’homme.
Pour aider les pays les plus pauvres frappés par la pandémie en particulier en Afrique, les pays les plus industrialisés du G7 ont pris mercredi la décision « historique » de suspendre pour un an le remboursement de leur dette.
Une bouffée d’oxygène qui tombe à point nommé après la décision très critiquée de Donald Trump de suspendre la contribution américaine (400 millions de dollars par an, plus important bailleur) à l’OMS.
Il accuse l’organisation de « mauvaise gestion » de cette pandémie et d’alignement excessif sur les positions chinoises.
« Nous regrettons la décision du président des États-Unis », a réagi le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, tandis que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a estimé que ce n’était « pas le moment de réduire le financement » des organisations
Agence France-Presse