Haïti / Enquête : Quand le Champ-de-mars devient la demeure de certains sans abri

Haïti / Enquête : Quand le Champ-de-mars devient la demeure de certains sans abri

À l’heure où le coronavirus suit son parcours à petit pas sur le territoire national, des gens de tout âge vivotent dans la misère la plus épaisse au Champ-de-Mars, dans les périphériques du Palais National. Une équipe de Haïti 24 s’est rendue sur place pour constater le calvaire de ses Sans domicile fixe (SDF).

Le paysage habituel du Champ-de-Mars, offrant ce spectacle où déambulent piétons, véhicules et petits commerçants, cache pourtant les rideaux de certaines réalités inattendues et impressionnantes. À moins de 500 mètres du Palais national, nous avons découvert et rencontré des gens qui disent habiter ce lieu depuis des années. Cela veut dire littéralement qu’ils vivent sur cette place publique.

Plusieurs causes alimentent ce phénomène. La majeure partie proviennent de La Saline, de Village de Dieu et de Portail Léogâne. Ils ont dû évacuer ces lieux à cause des affrontements récurrents entre gangs rivaux dans ces quartiers. D’autres, éprouvant de grandes difficultés économiques, ont fui leurs familles et leurs responsabilités pour se réfugier au Champ-de-Mars. Au fur et à mesure, une communauté est en train de se former sur cette place publique, un espace non habitable.

Pour la plupart, c’est toute une famille (mère, père, enfants) qui demeure au Champ-de-mars. C’est le cas de Marie-Ange qui vit avec son mari et son enfant sur la place publique. Durant la journée, elle s’assoit et mendie pour nourrir son enfant, alors que le père de son côté nettoie les vaisselles et les ustensiles de cuisine pour les petits restaurants de rue qui sont dans les environs. Tel est le quotidien d’une famille ! Dans ce cas, il n’y a même pas lieu de parler de l’éducation que reçoit cet enfant dans cet environnement dans lequel il grandit.

La majeure partie des gens rencontrés sont des jeunes âgés de 15 à 30 ans. Ils se concentrent derrière la place du Maron inconnu pour discuter et préparer la nourriture. Vu que la survie individuelle est plus pénible, les plus jeunes se réunissent en Meute. À les entendre parler, on se demande si ces enfants des rues que nous côtoyons au quotidien mais que nous méprisons fort souvent ne mériteraient pas plus d’attention?

Peut-être, leur pays ne leur a pas offert l’opportunité de fréquenter les écoles traditionnelles. Ainsi, l’expérience de la rue a remplacé la formation académique et du coup, leurs discours sont porteurs de messages dont le contenu décrit de manière logique et cohérente leur vécu et leur ressenti. Leur message s’adresse plus particulièrement aux autorités, qui, selon eux, ne savent même pas s’ils existent et dans quelles circonstances ils sont là. D’ailleurs, ils ont souligné que c’est pour la première fois qu’une entité médiatique est venue leur parler. Pourtant, ils sont à quelques mètres du siège de l’État, en plein cœur de la capitale.

Le paradoxe dans cette situation déjà complexe, c’est qu’à l’heure où le coronavirus continue de s’étendre, ces SDF, hormis les conditions d’insalubrité désastreuses dans lesquelles ils patogent, ne sont même pas bien imbus de la menace de ce fléau mondial. Pour la plupart ils en ont entendu parler, mais c’est comme s’ils étaient dans les vapes, car ils n’ont rien saisi. Encore un défi pour les autorités en matière de communication, d’une part, mais surtout dans l’application des mesures d’hygiène difficile à respecter dans ces conditions de vie inimaginables.

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