François Legault ne l’aura pas volée, sa victoire : il aura été patient, tenace et, surtout, persévérant. Si bien qu’à sa troisième tentative, le chef de la Coalition avenir Québec aura réussi ce qui semblait inimaginable il y a peu : briser l’hégémonie qu’exercent le PQ et le PLQ sur la politique québécoise depuis plus de 40 ans.
Mais maintenant qu’il a remporté son pari haut la main au point de confondre les plus sceptiques avec un gouvernement majoritaire, c’est d’une tout autre qualité qu’il devra faire preuve : la compétence.
Disons-le, personne ne remet plus en question les attributs de leader de François Legault. Homme d’affaires aguerri, il a su mettre au profit de la politique ses talents de meneur en fondant son propre parti. Il a prouvé sa détermination en se hissant parmi les prétendants, un immense défi qu’il a relevé en quelques années.
Et cette campagne, contrairement aux deux précédentes, aura montré que M. Legault sait aussi s’entourer. Il a su s’adjoindre un noyau de solides conseillers et, surtout, il a su cette fois se doter d’une équipe de candidats crédibles, précisément ce qui avait fait défaut à l’Action démocratique du Québec lors de ses échecs électoraux.
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Mais pour passer de chef à premier ministre, il lui faudra démontrer plus qu’une volonté entrepreneuriale et, surtout, plus qu’une capacité d’incarner l’humeur du moment. Bien beau de parler d’immigration parce que ça plaît aux électeurs, mais encore faut-il maîtriser suffisamment le dossier pour éviter de causer plus de problèmes que l’inverse.
Disons-le, François Legault sort gagnant de ces élections… mais il n’en sort pas nécessairement grandi. Et les attaques de ses rivaux n’y sont pour rien : il n’a que lui-même à blâmer.
Il a dit une chose et son contraire à plusieurs reprises. Il a été évasif sur de nombreux sujets. Il a ignoré des enjeux majeurs comme l’environnement. Et il a été forcé de clarifier sa pensée sur des questions d’importance… sans même se pointer aux traditionnelles rencontres éditoriales des journaux, où il sait qu’il aurait été cuisiné.
Rappelez-vous le Face à face à TVA. L’animateur Pierre Bruneau avait même osé demander à François Legault, en le regardant dans les yeux, s’il a la « compétence pour gérer des dossiers complexes ».
Durant la campagne, le chef de la CAQ a en effet présenté un plan de maternelle 4 ans douteux, qui s’appuie sur un financement bancal. Il a proposé d’implanter des Maisons pour les aînés à l’aide d’une évaluation financière peu convaincante. Il a promis de doter le Québec des « plus belles écoles du monde » tout en prévoyant une baisse des dépenses pour les infrastructures scolaires.
Mais c’est bien sûr sur l’immigration qu’il aura démontré une insouciance préoccupante, jonglant avec les seuils, les expulsions et les tests de valeurs comme autant de grenades dégoupillées. Et il a flirté avec le populisme identitaire en brandissant le « risque » que font courir les nouveaux arrivants sur nos petits-enfants, qui pourraient bien « ne plus parler français »…
Un discours digne d’un chef de l’opposition qui cherche à se faire entendre, peut-être, mais certainement pas d’un candidat au poste de premier ministre. Reste donc à François Legault à démontrer, maintenant, qu’il sait s’élever à la hauteur de ses nouvelles fonctions, et qu’il est digne de la confiance que lui ont témoignée les électeurs en grand nombre.
La Coalition avenir Québec a remporté les élections de manière franche et décisive. Elle aura su répondre à l’usure des libéraux. Elle aura réussi, comme Québec solidaire d’ailleurs, à incarner le changement au point de mettre fin à l’alternance continuelle entre les deux grands partis, qui ont pris toute une dégelée hier soir. Et elle aura surtout su faire écho aux besoins et désirs des Québécois, dont elle préside désormais la destinée, avec ce que cela commande de prudence, de jugement et, bien sûr, de compétence.