Facebook attaqué en justice par une coalition d’Etats américains et le gouvernement fédéral pour entrave à la concurrence

Facebook attaqué en justice par une coalition d’Etats américains et le gouvernement fédéral pour entrave à la concurrence

Mark Zuckerberg lors d’une audition devant le sous-comité judiciaire de la Chambre sur le droit antitrust à Capitol Hill à Washington, le 29 juillet. GRAEME JENNINGS / REUTERS
La Commission de la concurrence américaine (FTC) ainsi que les procureurs généraux représentant 48 Etats et territoires du pays ont annoncé mercredi 9 décembre avoir porté plainte contre Facebook, qu’ils accusent d’abuser de sa position dominante et de ses coffres bien remplis pour évincer la concurrence.


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De telles pratiques, arguent les autorités, nuisent aux consommateurs en leur laissant moins de choix et en amenuisant la protection de leurs données privées, et aux annonceurs en ne leur laissant guère d’autres solutions pour placer leurs publicités.
Les autorités reprochent particulièrement à Facebook les rachats de l’application Instagram, en 2012, pour 1 milliard de dollars, et de la messagerie WhatsApp, en 2014, pour 22 milliards de dollars. Elles s’en prennent aussi aux conditions imposées par Facebook aux développeurs de logiciels.
Forcer à revendre Instagram et Whatsapp ?

La FTC demande en conséquence à la justice de forcer éventuellement Facebook à revendre Instagram et WhatsApp. L’agence veut aussi que le groupe de Mark Zuckerberg cesse de contraindre les développeurs à accepter certaines conditions et lui demande son aval pour toute opération de rachat. Les Etats réclament, pour leur part, d’être prévenus de toute acquisition supérieure à 10 millions de dollars que le réseau social voudrait faire.
« Pendant près d’une décennie, Facebook a utilisé son monopole pour écraser ses rivaux, étouffer la concurrence, tout cela au détriment des utilisateurs », a déclaré la procureure générale de New York, Letitia James, qui mène la procédure. Mme James a affirmé que la société avait utilisé de vastes sommes d’argent pour acquérir ses rivaux avant qu’ils ne puissent menacer sa position dominante sur le marché.
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Ce faisant, le groupe « réduit les choix des consommateurs, étouffe l’innovation, dégrade la protection de la vie privée de millions d’Américains », a-t-elle estimé. Or plus de la moitié des Américains se connectent à Facebook chaque jour, a rappelé Mme James. Et pendant qu’ils passent du temps à échanger sur le réseau social, « Facebook passe son temps à surveiller les utilisateurs et leurs informations personnelles et à en profiter ». « Aucune entreprise ne devrait avoir un tel pouvoir sur nos informations personnelles et nos interactions sociales sans contrôle », a asséné la procureure.
Facebook a, de son côté, accusé le gouvernement américain de vouloir réécrire l’histoire : « Les lois antitrust existent pour protéger les consommateurs et promouvoir l’innovation, pas pour punir les entreprises qui ont du succès. » « Des années après que la FTC a approuvé nos acquisitions, le gouvernement veut repartir de zéro sans se soucier de l’impact que ce précédent pourrait avoir sur les entreprises et les utilisateurs qui chaque jour choisissent nos produits, a poursuivi l’entreprise dans un communiqué. Cela enverrait un message inquiétant pour les entreprises, en suggérant qu’aucune acquisition n’est jamais définitive. »
Le réseau social l’assure : « Instagram et WhatsApp sont devenus des produits incroyables parce que Facebook a investi des milliards de dollars, des années d’expertise et d’innovation, afin de développer de nouvelles fonctionnalités et de meilleures expériences. »
« Un très sérieux défi pour Facebook »

Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg s’est vu confronté à des courriels embarrassants à propos du rachat d’Instagram, en 2012. « Instagram peut nous faire du mal », confiait-il en avril de cette année-là à des collaborateurs. A son directeur financier qui lui demande alors s’il faut acheter cette plate-forme pour « neutraliser un concurrent, acquérir des talents, intégrer des produits ou pour une autre raison », le PDG répond : « La première et la troisième raison. »
« Vous voyiez cette plate-forme comme une menace, alors vous l’avez achetée », avait résumé l’influent démocrate Jerrold Nadler lors d’une audition du patron de Facebook par les élus de la Chambre des représentants, à la fin juillet. M. Zuckerberg s’était défendu : Instagram ne concurrençait Facebook que dans le domaine des photos, l’entreprise a grandi grâce à son rachat, ce dernier a été autorisé par la FTC… Mais la séquence a marqué. Facebook « copie, rachète ou tue » ses rivaux, avait assuré l’élue démocrate de Washington Pramila Jayapal.
Pour William Kovacic, ancien de la FTC et professeur de droit à l’université de Georgetown, à Washington, les procédures lancées mercredi sont solides : « L’argumentation développée dans la plainte de la Commission de la concurrence américaine est assez directe. Cette procédure va représenter un très sérieux défi pour Facebook. »
Quelle est la probabilité que la cour ordonne vraiment un démantèlement de Facebook ? « La FTC et les Etats ont clairement une chance de réussir à obtenir une séparation des actifs de Facebook, selon M. Kovacic. Des tribunaux américains ont déjà par le passé ordonné des démantèlements d’entreprises qui avaient acquis leur position dominante par des rachats d’entreprises. Cela remonte même aux fondements de l’antitrust américain, avec le cas de la Standard Oil. » Outre cette référence au géant pétrolier démantelé par la justice en 1911, le juriste cite des cas plus récents, comme celui du fabricant de batteries Polypore, forcé en 2010 à revendre une entreprise concurrente achetée en 2008.
Des accusations similaires avaient été lancées à la fin des années 1990 contre le groupe informatique Microsoft. Après près de trois ans de procédure, le ministère de la justice américain n’était toutefois pas parvenu à démanteler la firme.

Selon M. Kovacic, le procès pourrait s’ouvrir dès le second semestre 2021, et une décision être rendue au début de 2022. D’ici là, les plaintes de la FTC et des Etats seront probablement jointes, et un juge, désigné dans les semaines à venir. D’ici là aussi, Facebook va commencer à développer sa stratégie de défense et à avancer ses arguments, car cette procédure s’avère déjà vitale pour l’entreprise de Mark Zuckerberg.
Alexandre Piquard(avec AFP ,Reuters et Haiti24)

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