L’office de la Protection du Citoyen a présenté, ce mercredi 30 décembre, son avis autour du décret portant création de l’Agence Nationale de l’Intelligence et celui sur le renforcement de la sécurité publique. Dans ce document l’OPC demande à l’exécutif de modifier plusieurs articles de ces textes de lois qui ont suscité des remous dans la société.
L’OPC a analysé le décret, en premier lieu, à la lumière du principe de subsidiarité. À cet effet, l’institution juge inadmissible qu’au lieu d’assigner l’ANI à un simple rôle marginal ou subsidiaire en matière de mission de police courante, les articles 5.9, 5.11, 5.13, 5.23 et 48 du décret du 26 novembre 2020 confèrent aux membres de l’Agence des prérogatives pour agir comme de véritables agents de la police administrative et de la police judiciaire. A ce sujet, les compétences et attributions de l’ANI devraient, selon l’OPC, se focaliser dans un cadre de complémentarité dans le souci de contribuer effectivement dans la mise en place d’un mécanisme adéquat et efficace visant à combattre la criminalité dans toutes ses dimensions.
« Circonscrire le champ d’intervention de l’ANI dans la recherche, la collecte, l’identification permettra aux instances compétentes dont les autorités de poursuite de disposer d’informations pertinentes pour réprimer les opérations criminelles », dit l’OPC qui rappelle que certains domaines d’action devraient être réservés exclusivement aux autorités judiciaires, or en plus de conduire à une duplication des fonctions courantes et routinières de la police, ces compétences étendues permettent à l’ANI de s’affranchir de la mission essentielle de toute structure de renseignements ou d’intelligence qui est d’assurer la prévention et non la répression des menaces de sécurité.
« Les articles 49, 62 et 63 et 67 permettent à l’ANI de jouir d’une immunité de juridiction presque absolue dans l’ordre juridique national qui est incompatible avec le principe d’égalité citoyenne et avec la nature civile de l’État. Ce régime d’immunité qui permet aux personnels de l’ANI de se soustraire des cours et tribunaux de droit commun pour des actes de services est d’autant plus disproportionnel par rapport aux risques de harcèlement judiciaire qu’il est censé prévenir, que les articles 5.9, 5.11, 5.13 et 5.23 ouvrent la voie à des risques d’abus d’autorité, de violations graves de droits humains ou de bavures qui pourraient à eux seuls justifier pleinement le statut justiciable des personnels de l’Agence », indique l’OPC. Soulignant que le texte n’établit aucune structure de contrôle pour éviter les éventuelles implications des Agents de l’ANI dans les cas de violations de droits humains ou toutes autres formes d’abus, l’OPC recommande la mise en place d’un mécanisme fiable et efficace de contrôle qui préserverait l’état de certaines pratiques assimilables aux persécutions et bien d’autres atteintes.
Par ailleurs, l’article 5.21 du Décret établit que l’ANI travaillera de concert avec le Conseil National de Sécurité et de Défense en vue de coordonner l’action des services spécialisés de renseignement.
« Malheureusement, il semble qu’aucun cadre de référence n’existe sur ce Conseil qui aurait pu jouer le rôle de contrôle des actions des agents. Si les agents seront recrutés au sein du personnel de la Police Nationale et des Forces armées d’Haïti, il faudra apporter des clarifications sur les régimes de sanctions, ou du moins préciser s’ils sont exposés aux sanctions administratives et pénales », seront-ils placés en détachement ou mis à disposition de l’ANI ? s’interroge l’OPC.
Sur la question relative à la légalité des actes de l’ANI, le décret donne plein pouvoir aux agents de fréquenter tous les lieux. Ils peuvent procéder à des perquisitions, des saisies d’objets, de documents ou de substances. Ils peuvent constater les infractions, rassembler les preuves et mener des investigations etc. Pour l’OPC, il s’agit là d’un des pouvoirs très étendus qui peuvent ouvrir le champ à de graves atteintes aux droits fondamentaux et surtout les agents ne sont passibles d’aucune juridiction c’est-à-dire, ils ne sont exposés, selon le texte, à aucune forme de sanction. Quelles sont les voies de recours à exercer à l’encontre des agents ? se questionne à nouveau l’institution
Parallèlement, il est prévu à l’article 46 du décret que les agents de l’ANI prêtent serment avant d’entrer en fonction. Cependant, cette disposition n’apporte aucune précision sur la nature de l’autorité habilitée à recevoir la prestation de serment. A cet effet, dans la mesure où ces agents mèneront des actions d’investigation de police judiciaire, l’OPC juge qu’il serait plus approprié que ladite prestation de serment ait lieu par devant le Commissaire du Gouvernement.
En outre, au regard de l’article 8 du décret portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence Nationale d’Intelligence (ANI), le Directeur Général de l’ANI est nommé par Arrêté Présidentiel pris en conseil des Ministres… L’Office de la Protection du Citoyen (OPC), croit qu’il est urgent, d’un point de vue démocratique basé l’existence des trois (3) pouvoirs que ce choix soit entériné par le Parlement à travers une Commission Spéciale.
De l’avis de l’OPC, le décret sur le renforcement de la sécurité publique contient des provisions qui peuvent mettre en danger certains droits fondamentaux de la personne humaine et qui prévoient de lourdes peines pour des infractions qu’on ne peut assimiler à des actes de terrorisme.
L’OPC recommande à l’OPC de revoir les deux décrets en tenant compte d’un plan global de sécurité lié à un service de renseignements dans une perspective d’assurer la stabilité, la sécurité des vies et des biens de tous les citoyens et de toutes les citoyennes se trouvant sur le sol national, d’adopter un plan global de sécurité et de renseignements à la lutte contre la drogue, la traite des personnes, le trafic illégal des armes, le blanchiment d’argent, la corruption, conjointement avec les instances concernées (ULCC, UCREF, CSCCA), de revoir les articles liés à la nomination du DG de ANI et la mission des agent, d’impliquer le Parlement à travers une Commission Spéciale dans le processus de nomination du DG de ANI, d’envisager une procédure claire pour que les agents de ANI puissent répondre de leurs actes en cas de violations graves de droits humains ou d’excès de zèle, d’éliminer les alinéas 12 et 13 de l’article 1er du décret portant sur le renforcement sur la sécurité publique, de revoir l’article 5 du dit décret.