Pour valoriser la Ligue 1, les dirigeants du football français la jouent décalé

Pour valoriser la Ligue 1, les dirigeants du football français la jouent décalé

Avant le match de Ligue 1 entre l’AS Monaco et le RC Lens au Stade Louis II, le 1er septembre 2024. MANON CRUZ / REUTERS Barbancourt le rhum des connaisseurs Faut-il nécessairement nourrir le troll ? Régulièrement moquée au Royaume-Uni, la Ligue 1 est plutôt mal perçue en Europe, où sa réputation de « farmer’s league » – littéralement la « ligue

Avant le match de Ligue 1 entre l’AS Monaco et le RC Lens au Stade Louis II, le 1er septembre 2024.

Barbancourt

le rhum des connaisseurs

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Faut-il nécessairement nourrir le troll ? Régulièrement moquée au Royaume-Uni, la Ligue 1 est plutôt mal perçue en Europe, où sa réputation de « farmer’s league » – littéralement la « ligue des paysans » – lui colle un peu trop aux crampons. La Ligue de football professionnel (LFP) a dévoilé, jeudi 19 septembre, un court « film de marque », de 2 min 31 s, intitulé « We will show you »« on va vous montrer » –, pour donner sa vision du championnat de première division française, surfant sur la sempiternelle rivalité franco-britannique.

Dans le clip promotionnel, un fan anglais est enlevé (!) par un groupe de Français et forcé (!) à constater que le football hexagonal ne manque pas d’intérêt. Après une immersion sur des terrains amateurs de Marseille, un passage à Lille, puis en tribunes avec les ultras du Stade rennais, ou encore parmi des supporteurs parisiens, le captif est lâché sur Monaco depuis un avion privé piloté par Thierry Henry, illustre ancien du club du Rocher. Bicyclette, tifos, fans « blacks blancs beurs » – mais très masculins – déchaînés, lévitation, saut en parachute… Vous êtes essoufflés ? C’est normal.

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La vidéo emprunte les saturations, le rythme et les effets spéciaux des publicités de sites de paris sportifs, mais sans aucune image de match. Elle s’inscrit dans le plan stratégique engagé par les dirigeants français autour de trois axes : celui de « transformer la perception du championnat » en vue de renforcer considération et donc revenus sur la scène « nationale et internationale »  ; celui d’« innover » pour satisfaire les consommateurs et séduire de nouveaux publics ; enfin, celui de « placer le football au carrefour de l’excellence et de la Youth culture ».

L’opération séduction vise donc, en grande partie, les jeunes, « dont il faut capter l’attention » au-delà des rencontres, a expliqué le directeur général de LFP Média, Benjamin Morel, lors d’une conférence de presse à Paris. Un « nouveau trophée » et « une nouvelle charte sonore » vont, entre autres, suivre, a promis le président de la Ligue, Vincent Labrune, qui a également annoncé le recrutement à venir de nouveaux « ambassadeurs » issus du monde du cinéma, de la mode, de la musique.

« Nous avons fait le choix de jouer sur nos différences, d’axer sur la diversité – des territoires, des ferveurs, des cultures – comme moteur de l’excellence », a poursuivi l’ancien patron de l’Olympique de Marseille. La LFP estime avoir « fait un travail d’introspection » afin de battre en brèche le cliché de la « farmer’s league », a déclaré Jérôme Dumois, responsable de l’innovation et de la transformation de la marque au sein de LFP Média. « Un complexe d’infériorité latent » qu’il faut abandonner, a complété Benjamin Morel.

Un double discours

Le spot sort alors que les clubs français entament leur parcours dans les compétitions européennes, au sein desquelles ils ne brillent pas toujours (seulement deux trophées remportés : la Ligue des Champions, pour l’OM, en 1993, et une Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes, en 1996, pour le Paris Saint-Germain) et que la LFP tente de tourner la page d’une séquence difficile.

Le 12 septembre, les sénateurs chargés de la mission d’information sur la financiarisation du football ont effectué un contrôle au siège de l’instance, avant de mettre en garde : « Il y a urgence à ce que le football français arrête de vivre au-dessus de ses moyens. » La LFP a aussi dû revoir ses ambitions à la baisse après l’échec de son appel d’offres sur les droits télévisés pour la période 2024-2029 : les matchs de Ligue 1 ont été vendus in extremis fin juillet à DAZN et beIN Sports pour un total annuel avoisinant 500 millions d’euros, loin du milliard escompté. Sans parler des spectateurs qui se plaignent du tarif exigé par la plate-forme britannique de streaming – 30 euros mensuels en dehors de la promotion actuellement concédée – pour suivre le championnat.

Jeudi, plusieurs clubs approuvaient sur X le message promotionnel de la LFP. Mais certains supporteurs ont dénoncé un double discours, « hypocrite », dans plusieurs commentaires grinçants. Dans le collimateur des internautes, les fumigènes, dont l’utilisation est très encadrée, ou la présence festive des supporteurs dans les tribunes, largement vantés dans la vidéo. Quelques minutes à peine avant sa diffusion, un décret passé au Journal officiel interdisait le déplacement des fans de l’OM, dimanche, à Lyon, pour la 5e journée de Ligue 1.

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