Le 5 novembre, quelque 244 millions d’Américains étaient appelés aux urnes pour désigner leur futur président. Le Monde fait le point sur l’organisation de ce scrutin complexe. Quatre candidats, deux favoris et une course relancée par le retrait de Joe Biden Cette année, le scrutin oppose la vice-présidente sortante, la démocrate Kamala Harris, qui aura 60 ans le 20 octobre
Le 5 novembre, quelque 244 millions d’Américains étaient appelés aux urnes pour désigner leur futur président. Le Monde fait le point sur l’organisation de ce scrutin complexe.
Quatre candidats, deux favoris et une course relancée par le retrait de Joe Biden
Cette année, le scrutin oppose la vice-présidente sortante, la démocrate Kamala Harris, qui aura 60 ans le 20 octobre et qui a pris le relais de Joe Biden le 21 juillet, au républicain Donald Trump, 78 ans, empêtré dans une série d’affaires judiciaires. Donald Trump et Kamala Harris ont choisi respectivement pour colistiers J. D. Vance, 40 ans, et Tim Walz, 60 ans.
Outre les deux favoris, deux autres candidats concourent : Jill Stein, candidate du Green Party – elle l’a aussi été en 2012 et 2016, alors qu’en 2020, c’était Howie Hawkins – et Chase Oliver, pour le Parti libertarien. Quant à Robert Kennedy Jr, candidat indépendant, fils de l’ancien ministre Robert Kennedy et neveu du président John Fitzgerald Kennedy, il a suspendu sa campagne et a décidé de soutenir Donald Trump.
Une élection au suffrage indirect, dans laquelle 538 grands électeurs choisissent le président
L’élection présidentielle américaine est une élection au suffrage universel indirect. Concrètement, les électeurs cochent sur leur bulletin la case correspondant au candidat à la présidence de leur choix. Dans les faits, cependant, les citoyens désignent les 538 grands électeurs qui composent le collège électoral et voteront en leur nom à l’issue d’un long processus. Pour être élu président, un candidat doit obtenir les voix d’au moins 270 d’entre eux.
Chaque Etat se voit attribuer un nombre de grands électeurs équivalant au nombre de ses représentants au Congrès, qui regroupe les deux chambres parlementaires, soit au total 535 personnes : il y a 100 sénateurs – deux par Etat – et 435 représentants, dont le nombre est réparti en fonction de la population des Etats. A ce chiffre, il faut ajouter trois grands électeurs pour le district de Columbia, c’est-à-dire la ville de Washington qui, en tant que capitale fédérale, a un statut à part et n’a ni sénateurs ni représentants.
L’article II, section 1, clause 2 de la Constitution des États-Unis précise qu’« aucun sénateur, représentant ou personne occupant une charge de confiance ou rémunérée sous l’autorité des États-Unis ne pourra être nommé grand électeur. » Chaque Etat a son système de nomination des grands électeurs, qui sont généralement sélectionnés en remerciement de leurs services pour le parti ou le candidat.
Dans quarante-huit des cinquante Etats, ainsi que dans le district fédéral, le candidat arrivé en tête remporte la totalité des voix des grands électeurs en jeu sur le principe du « winner-take-all ». Dans le Maine et le Nebraska, le système diffère et inclut une dose de proportionnelle : un grand électeur est choisi dans chaque district « congressionnel » en fonction du résultat du vote populaire, puis deux grands électeurs sont désignés en fonction du résultat global dans l’Etat.
Les résultats du recensement de 2020 ont modifié la composition du collège électoral et la répartition des sièges à la Chambre des représentants : le Texas a ainsi gagné deux voix supplémentaires au Congrès et donc au collège électoral pour la prochaine décennie (40 grands électeurs), tandis que le Colorado (10), la Floride (30), le Montana (4), la Caroline du Nord (16) et l’Oregon (8) ont chacun gagné un siège. En revanche, sept Etats ont perdu une voix chacun : la Californie (54), l’Illinois (19), le Michigan (15), New York (28), l’Ohio (17), la Pennsylvanie (19) et la Virginie-Occidentale (4).
Un scrutin ouvert plusieurs semaines avant le 5 novembre
Si le 5 novembre est le dernier jour où les Américains pourront voter, en pratique, plusieurs millions d’entre eux ont déjà exprimé leur choix dans le cadre du vote par correspondance ou du vote anticipé.
Les premiers bulletins de vote par correspondance ont ainsi commencé à être expédiés le 6 septembre en Caroline du Nord. En 2020, du fait de l’épidémie de Covid-19, le nombre total de bulletins de vote par correspondance était de 66,4 millions (contre 28,8 millions en 2016), relevait en 2021 le MIT Election Data + Science Lab, un centre de recherche axé sur l’amélioration de la science électorale et de l’administration des élections aux États-Unis, considérant que plus de 158 millions de votes au total ont été enregistrés par la Commission électorale fédérale. Les bulletins de vote par correspondance représentaient alors 42 % du total des bulletins. Ce pourcentage a ensuite baissé de 10 points en 2022, puisque ce type de vote a été choisi par 32 % des électeurs lors des élections de mi-mandat. Lors du scrutin présidentiel de 2020, le vote par correspondance a été qualifié de « fraude électorale » par Donald Trump, quand bien même il est pratiqué de longue date et que les fraudes recensées sont négligeables.
Le vote par anticipation permet, lui, aux Américains de se rendre aux urnes dans 47 Etats, ainsi que dans le District de Columbia, Guam, Porto Rico et aux îles Vierges avant la date du scrutin, explique la National Conference of State Legislatures (NCSL), une organisation bipartisane. Dans la plupart des Etats, il n’est pas nécessaire de justifier le choix de ce mode de scrutin, ajoute le site d’information du gouvernement fédéral, mais, « dans certains Etats, [les électeurs doivent] peut-être demander un bulletin de vote par correspondance pour pouvoir voter par anticipation ». Seuls « trois Etats, l’Alabama, le Mississippi et le New Hampshire, ne proposent pas de vote anticipé en personne, mais peuvent proposer des options aux électeurs absents éligibles », selon le NCSL.
Un processus décentralisé
Les Etats-Unis sont un Etat fédéral où le processus électoral est extrêmement décentralisé, organisé par les Etats, les comtés ou les municipalités : aucun ne gère les élections exactement de la même manière, chacun a son propre code électoral, et il existe des variations assez importantes dans la gestion des élections.
Chaque Etat définit notamment la date limite pour s’inscrire sur les listes électorales, les dates du vote anticipé, du vote par correspondance – notamment pour les militaires déployés à l’étranger ou en mer –, les modalités du dépôt des bulletins de vote par correspondance (retour par courrier, dans un lieu de dépôt ou au bureau de vote du comté), les dates d’ouverture des bureaux de vote pour le vote anticipé dans tous les comtés – et il peut même y avoir des variations au sein d’un Etat.
Le dépouillement des bulletins de vote
Au soir du scrutin, lorsque les bureaux de vote ont fermé, les responsables électoraux comptent autant de bulletins que possible, mais les résultats des premières heures du décompte ne sont pas officiels et, dans bien des cas, seront différents des résultats définitifs.
Au niveau local, les responsables des élections commencent par les bulletins déposés le 5 novembre, avant de s’attaquer éventuellement aux bulletins de vote par correspondance. Chaque Etat a des règles différentes en ce qui concerne le moment où les bulletins de vote par correspondance, provisoires (délivrés lorsque les responsables électoraux ne peuvent pas déterminer immédiatement si la personne est éligible pour voter), militaires et étrangers peuvent être comptés. Par exemple, certains Etats exigent que tous les bulletins de vote par correspondance soient comptés avant le jour du scrutin. D’autres autorisent le comptage des bulletins de vote par correspondance s’ils sont oblitérés jusqu’au jour du scrutin et reçus à une certaine date.
Quels chiffres existent dès la fin du vote et peut-on leur faire confiance ?
Le jour de l’élection, les bureaux de vote ouvrent en général entre 5 et 7 heures du matin et ferment entre 18 et 20 heures, sur trois fuseaux horaires. Le dépouillement commence après la fermeture du scrutin.
Généralement, on sait qui est le vainqueur à 23 heures (heure de la côte Est, soit 5 heures à Paris), car les États de l’Ouest ont alors fermé leurs bureaux de vote.
En 2020, en raison de l’explosion du vote par correspondance, le dépouillement et la communication des résultats avaient pris du retard dans certains swing states, ces Etats pivots aux résultats généralement serrés et qui peuvent basculer d’un camp à l’autre à chaque élection. Un site, le Decision Desk HQ, a annoncé la victoire de Joe Biden peu avant 9 heures du matin (heure de la côte Est, soit 15 heures à Paris), le 6 novembre. Le 7 novembre, trois jours et demi après l’élection, les principales chaînes de télévision américaines avaient finalement annoncé la victoire du démocrate : CNN a été la première, à 11 h 24, heure de la côte Est. Elle a été suivie rapidement par NBC, CBS, ABC et Associated Press. Fox News a, de son côté, confirmé le résultat à 11 h 40.
Traditionnellement, l’agence de presse Associated Press (AP) joue un rôle crucial dans le décompte des votes et la proclamation du vainqueur lors des élections américaines. Elle explique qu’elle dispose d’environ 4 000 correspondants temporaires à travers le pays qui recueillent les résultats au niveau local. D’autres correspondants suivent les annonces sur les sites officiels des comtés et des Etats pour saisir les résultats.
AP ne fait pas de projections et ne déclare un vainqueur que lorsqu’elle est en mesure de conclure qu’un candidat a remporté l’élection car son concurrent ne peut plus le rattraper compte tenu du nombre de bulletins restant à dépouiller. Pour AP, aucune élection n’est officielle tant que tous les votes n’ont pas été comptés et que les résultats électoraux n’ont pas été certifiés. L’agence affirme mettre « l’accent sur la précision plutôt que sur la rapidité ».
AP explique aussi ne plus utiliser les sondages de sortie des urnes pour annoncer les résultats, estimant que le fait d’interroger des électeurs dans les bureaux de vote ne donne plus une image complète de l’électorat. A la place, elle complète le décompte des voix par une vaste enquête auprès des électeurs inscrits, menée dans les jours précédant la fermeture des bureaux de vote.
En revanche, CNN, NBC, ABC et CBS travaillent à la fois avec les résultats en temps réel et des informations provenant des sondages de sortie des urnes. Les quatre chaînes collaborent avec l’institut de sondage Edison Research dans le cadre du National Election Pool.
De leur côté, des responsables électoraux à travers tout le pays, au niveau de la ville, du comté ou parfois de l’Etat, comptent et publient les résultats des votes.
La certification du vote, des Etats au Congrès
La certification des résultats des élections est effectuée au niveau de l’Etat par le secrétaire d’Etat ou le gouverneur : là encore, les procédures et les délais varient. En vertu de l’Electoral Count Act de 1877, les Etats disposent d’une « période de sécurité » (« safe harbor period ») de cinq semaines après le jour de l’élection – soit jusqu’au 11 décembre – pour résoudre tout contentieux lié au scrutin et permettre aux grands électeurs du collège électoral de se réunir le 17 décembre.
Conformément à la loi, les grands électeurs se réunissent dans les capitales de leurs Etats respectifs et dans le District de Columbia « le premier mardi suivant le deuxième mercredi de décembre » pour voter formellement pour le président et le vice-président. Chaque Etat doit alors communiquer son résultat final au collège électoral et présenter un certificate of ascertainment, un document garantissant la validité des votes et des opérations de dépouillement.
Enfin, le 6 janvier 2025, les votes électoraux seront officiellement comptés lors d’une session conjointe du Congrès et le président du Sénat annoncera le résultat des élections. Le vainqueur de l’élection du 5 novembre entrera à la Maison Blanche le jour de son investiture, le 20 janvier 2025, à midi, et y restera pendant quatre ans.
Les autres élections
Le 5 novembre, les Américains éliront non seulement un président, mais aussi 468 membres du Congrès : 34 sénateurs et la totalité des 435 sièges de la Chambre des représentants. Ils participeront aussi à une foule de scrutins locaux : élections de gouverneurs dans 11 Etats et deux territoires, de procureurs généraux dans 10 Etats, de maires, sans compter les référendums locaux, etc.
Des propositions de lois et de politiques locales ou nationales ainsi que des initiatives de vote citoyennes peuvent également être soumises au vote ce jour-là. Par exemple, dans l’Etat du Montana, les électeurs devront également dire s’ils souhaitent protéger le droit à l’avortement dans la constitution de leur Etat. Dans l’Arizona, les électeurs devront s’exprimer sur la prolongation du délai de droit à une interruption volontaire de grossesse. Au total, huit Etats – comprenant aussi le Colorado, la Floride, le Maryland, le Nevada, New York et le Dakota du Sud – devraient soumettre un référendum relatif à l’avortement à leurs électeurs lors de la convocation aux urnes. Les résultats officiels de ces consultations seront rendus publics une fois que la certification des votes aura eu lieu.
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