Au procès des viols de Mazan, le premier jour du réquisitoire : « Ni avant, ni après, ils ne se sont posé la question du consentement de Gisèle Pelicot »

Au procès des viols de Mazan, le premier jour du réquisitoire : « Ni avant, ni après, ils ne se sont posé la question du consentement de Gisèle Pelicot »

Une banderole déployée à l’extérieur du palais de justice d’Avignon où se tient le procès des viols de Mazan, le 25 novembre 2024. ALEXANDRE DIMOU / REUTERS Lorsque le 12 septembre 2020, le procureur Jean-François Mayet, de permanence au parquet de Carpentras, a été informé de l’interpellation d’un certain Dominique Pelicot, surpris dans un supermarché en train de filmer

Une banderole déployée à l’extérieur du palais de justice d’Avignon où se tient le procès des viols de Mazan, le 25 novembre 2024.

Lorsque le 12 septembre 2020, le procureur Jean-François Mayet, de permanence au parquet de Carpentras, a été informé de l’interpellation d’un certain Dominique Pelicot, surpris dans un supermarché en train de filmer sous les jupes des clientes, il n’imaginait pas que, quatre ans plus tard, aux côtés de sa collègue Laure Chabaud, il se lèverait pour requérir devant la presse locale, nationale et internationale, contre cinquante et un accusés au procès des viols de Mazan. Lundi 25 novembre, au premier jour de ce réquisitoire à deux voix, les corps tendus des deux représentants de l’accusation, leur élocution parfois hasardeuse, leurs regards rivés aux feuilles dactylographiées posées sur le pupitre, disaient l’effarement commun éprouvé face à l’ampleur de la tâche qui leur incombait.

Sans doute leur a-t-il manqué cette part de souffle que l’on était en droit d’espérer de la parole du ministère public, s’exprimant au nom de la société. Les plaidoiries, la semaine précédente, des deux avocats de Gisèle Pelicot, Mes Antoine Camus et Stéphane Babonneau, avaient placé haut la barre, tant dans la forme que dans le fond. Elle n’a pas été franchie. Mais l’austérité studieuse des deux avocats généraux a été, au fond, à l’image de cette audience, dominée de bout en bout en bout par la partie civile. A Gisèle Pelicot, Jean-François Mayet a d’ailleurs réservé ses premiers mots, saluant le « sursaut de résilience admirable » avec lequel elle a imposé la publicité des débats, contre l’avis initial du ministère public.

« C’est dans une démarche protectrice que nous avions sollicité le huis clos, s’est-il justifié. Mais c’était sans connaître votre force de caractère, décuplée sans doute par la violence des crimes. Et vous aviez raison, Madame. » « Ce procès, a poursuivi l’avocat général, vient bousculer notre société dans le rapport à l’autre. Il met en lumière les carences de certains êtres humains face à leurs besoins, leurs désirs, et face à la compréhension du désir d’autrui. Il révèle l’incapacité de certains hommes à être en symétrie avec les femmes. Tous ceux qui sont ici sont allés à Mazan pour avoir un rapport sexuel facile, répondre à un besoin, une envie dans lesquels la place de l’autre était inexistante. Ni avant, ni après, ils ne se sont posé la question du consentement de Gisèle Pelicot. »

Une centaine de viols aggravés

A l’avocate générale Laure Chabaud est alors revenu le rôle d’ouvrir le temps des réquisitions contre les cinquante accusés (le cinquante et unième est en fuite), réunis dans la salle d’audience. Ou plutôt, contre ces quarante-neuf plus un, Dominique Pelicot, « clé de voûte de ce dossier ». Une centaine de viols aggravés, s’étendant de 2011 à 2020, « commis seuls, d’autres en coaction » et témoignant d’« une volonté de soumission, d’avilissement de celle qui est peut-être la personne qu’il chérit le plus ». Mais aussi, a-t-elle rappelé, une « perversion qui dépasse sa relation avec son ex-épouse » et vaut à Dominique Pelicot d’être en outre poursuivi pour détention et diffusion d’images portant atteinte à l’intimité et à l’intégrité de ses belles-filles et de sa fille, Caroline.

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