L’influenceur masculiniste Andrew Tate et son frère Tristan, sous le coup d’une vaste enquête en Roumanie portant, notamment, sur des faits de viol et de traite d’êtres humains, ont quitté le pays pour les Etats-Unis, jeudi 27 février, après l’annulation surprise de leur interdiction de sortie du territoire.

Andrew Tate, qui détient la double nationalité américaine et britannique, est un ancien champion de kickboxing, devenu par la suite une star des réseaux sociaux. Depuis une dizaine d’années, il publie des vidéos violemment misogynes, et anime aussi un site de « coaching » payant. Peu connu en France, il est en revanche un influenceur de premier plan dans les pays anglophones. Gros cigares, vie luxueuse, saillies homophobes et sexistes, conseils de « séduction » et promotion des « mâles alpha », coaching et recettes d’entrepreneur… Andrew Tate s’est bâti une communauté de plus de dix millions d’abonnés sur X, séduisant avant tout des jeunes hommes en recherche de repères.

A la fin de 2022, les frères Tate ont été arrêtés en Roumanie, où ils s’étaient installés dans une vaste villa. Les autorités roumaines les soupçonnent d’avoir forcé plusieurs jeunes femmes à produire des contenus pornographiques en direct, en leur interdisant toute sortie et en conservant les revenus tirés de ces vidéos. Andrew Tate est également accusé de viol par deux plaignantes. Les frères Tate contestent les faits et ont introduit de multiples recours, notamment pour pouvoir récupérer de nombreux biens, dont des voitures de luxe, saisis par les enquêteurs roumains (une partie des saisies avaient été annulées par la suite).

Intervention des autorités américaines

Les frères Tate sont soutenus de longue date par plusieurs figures d’extrême droite, en Europe comme aux Etats-Unis. C’est le cas notamment du présentateur d’extrême droite américain Tucker Carlson, qui a longuement interviewé Andrew Tate en 2023. Elon Musk, aujourd’hui proche conseiller de Donald Trump, avait restauré le compte de l’influenceur sur X, d’où il avait été banni pour ses propos misogynes par l’ancienne direction. L’ancien kickboxeur est suivi, sur ce même réseau social, par le vice-président américain, J. D. Vance.

A la mi-février, l’envoyé spécial de Donald Trump en Europe, Richard Grenell, a directement demandé au gouvernement roumain de lever leur interdiction de sortie du territoire. Une manœuvre qualifiée d’ingérence par les avocats des plaignantes. A l’époque, le ministère des affaires étrangères roumain avait assuré n’avoir ressenti aucune « pression » de la part des Etats-Unis.

Dans un communiqué publié jeudi matin, le parquet roumain chargé de la lutte contre la criminalité organisée (Diicot) a précisé que les poursuites contre les frères Tate n’avaient pas été abandonnées. L’autorité a aussi rappelé que les deux intéressés étaient toujours soumis à « l’obligation de se présenter devant les autorités judiciaires à chaque convocation, avec l’avertissement que la violation de mauvaise foi des obligations qui leur incombent peut conduire au remplacement du contrôle judiciaire par une mesure privative de liberté plus élevée ». Reste à savoir si les frères Tate, qui répètent, depuis leur arrestation, qu’ils sont victimes d’un vaste complot, quitteront de plein gré les Etats-Unis pour se rendre à un procès.

Pour l’avocat britannique Matthew Jury, qui représente plusieurs femmes ayant déposé des plaintes pour des faits de viol et d’agressions sexuelles à l’encontre d’Andrew Tate, le départ de l’influenceur et de son frère vers les Etats-Unis est une nouvelle « autant dégoûtante que consternante ». « Il est illusoire de penser que les Tate vont maintenant devoir répondre de leurs actes devant la justice roumaine », considère-t-il, dans un message publié jeudi matin sur le réseau social X. Il y appelle également les autorités britanniques à « prendre des mesures immédiates pour obtenir leur extradition vers le Royaume-Uni ».