Ils brandissent des factures de radiateur, des bons de livraison de fenêtres. Ils détaillent la rénovation de leur appartement et jurent que, s’ils avaient su, ils auraient fait partir leur locataire d’un immeuble en sursis depuis la mi-octobre 2018 et voué à un inéluctable effondrement. Bref, ils clament qu’ils ne sont pas des marchands de sommeil. Les
Ils brandissent des factures de radiateur, des bons de livraison de fenêtres. Ils détaillent la rénovation de leur appartement et jurent que, s’ils avaient su, ils auraient fait partir leur locataire d’un immeuble en sursis depuis la mi-octobre 2018 et voué à un inéluctable effondrement. Bref, ils clament qu’ils ne sont pas des marchands de sommeil.
Les propriétaires bailleurs de quatre des dix petits studios du 65, rue d’Aubagne, à Marseille, sont les prévenus de la dernière heure du procès des effondrements meurtriers du 5 novembre 2018, cités devant le tribunal correctionnel par des parties civiles, occupants rescapés ou proches d’une des huit victimes. Ils doivent répondre d’homicide involontaire, de mise en danger ou de soumission à des conditions d’hébergement indignes.
Un artisan plombier, une historienne de l’art maîtresse de conférences retraitée, une ancienne professeure et un avocat qui a aussi été vice-président (Les Républicains) du conseil régional voient ainsi leur inaction mise en cause alors que leurs locataires sonnaient l’alarme… dans le désert. « Bien sûr, on pense que c’est urgent mais l’effondrement, c’est inimaginable », répond l’une des propriétaires au président du tribunal qui met bout à bout les alertes : les douches qui se vident dans l’appartement du dessous, l’incessant bruit de portes qu’il faut ouvrir ou fermer à coups de pied, les fissures qui s’élargissent en une nuit…
« Ce n’est pas du rouge, c’est de l’ultrarouge »
Avec une vigueur qui lui vaut un rappel à la courtoisie par le tribunal, mercredi 20 novembre, Xavier Cachard, avocat et proche du président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier (Renaissance), ferraille, dans son rôle de prévenu, avec ses confrères des parties civiles. « Une pléthore de sachants nous a dit que l’immeuble ne menaçait pas ruine. A posteriori, tout démontre qu’il y avait une urgence mais si les experts ne l’ont pas vue, comment moi, avocat, je peux le savoir ? » Il réfute que le 65, rue d’Aubagne était un bâtiment à l’abandon et fournit dix ans de factures de ménages et de travaux dans la cage d’escalier. « Soit 375 euros par mois », le reprend au bond Me Brice Grazzini, avocat des familles de trois victimes, alors que les problèmes de l’immeuble étaient structurels. « On ne parle pas de boîtes aux lettres en mauvais état », grince l’avocat.
Un an avant le drame, un bureau d’études structures et un expert nommé dans des procédures judiciaires civiles entre les copropriétés des 65 et 67, rue d’Aubagne font le constat d’une faiblesse structurelle, évoquent « un risque réel pour les biens et les personnes à court terme » et en informent la ville. « Comment pouvez-vous ne pas réagir à cette alerte ? Ce n’est pas du rouge, c’est de l’ultrarouge », questionne Me Benoît Candon, défenseur d’occupants de l’immeuble.
Il vous reste 46.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Laisser un commentaire
Votre adresse électronique ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'un *