« Daddy », de Marion Siéfert et Matthieu Bareyre. MATTHIEU BAREYRE Vous avez dit performance ? Ou vous avez dit théâtre ? Les deux, mon général. Il semblerait qu’entre ces deux-là ce soit le mariage du moment. Dans le théâtre, le mot « performance », qui appartient plutôt au langage de l’art contemporain, est actuellement partout : dans les programmes de saison,
Vous avez dit performance ? Ou vous avez dit théâtre ? Les deux, mon général. Il semblerait qu’entre ces deux-là ce soit le mariage du moment. Dans le théâtre, le mot « performance », qui appartient plutôt au langage de l’art contemporain, est actuellement partout : dans les programmes de saison, dans la bouche des programmateurs, dans les analyses des critiques, universitaires ou journalistes. Julien Gosselin, tout juste nommé à la tête de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, deuxième institution théâtrale française, a fait sensation en annonçant que sa programmation mettrait l’accent sur les formes performatives. Le Festival d’automne, qui a toujours accueilli ces formes mixées, intensifie son geste, sous la houlette de la directrice artistique pour le théâtre et la danse, Francesca Corona.
Cet automne, les spectacles qui font parler d’eux sont, dans bien des cas, soit des formes classées sous l’onglet « performance », mais qui se rapprochent du théâtre par bien des points, comme le magnifique Skinless, de Théo Mercier, soit des formes théâtrales fortement infusées par la performance. Qu’il s’agisse du sidérant A Noiva e o Boa Noite Cinderela, de Carolina Bianchi, de Cécile, de Marion Duval, avec l’incroyable Cécile Laporte, de Carte noire nommée désir ou Plutôt vomir que faillir, de Rébecca Chaillon, ou des différentes petites formes signées par Stéphanie Aflalo. Mais on pourrait parler aussi de ceux de Marion Siéfert, de Laurène Marx ou de Miet Warlop, qui continuent à tourner.
Cassons d’emblée un malentendu : la « performance » dont il est question ici n’est pas celle qui a eu cours dans l’art contemporain, dans les riches heures des années 1960 et 1970, à savoir une action unique, non reproductible, dont les traces subsistent grâce à la photo ou au cinéma. Il faudrait plutôt parler d’« état d’esprit performatif », comme l’écrit l’universitaire Joseph Danan, auteur d’un livre incontournable sur le sujet : Entre théâtre et performance, la question du texte (Actes Sud, 2013).
Cet « esprit » performatif reprend à cette source originelle pourtant bien des codes, que Danan détaille dans son ouvrage : « La mise en jeu de l’artiste lui-même ; la non-séparation entre l’art et la vie (ou l’ébranlement de cette frontière) ; l’importance primordiale du corps ; l’unicité de l’événement, le rôle de l’imprévu, de l’incontrôlable, voire de l’improvisé, en tout cas le caractère éphémère de la chose ; le partage d’une expérience ; la protestation, la contestation (de l’académisme/du pouvoir politique) ; la transgression, la subversion ; la revendication féministe, la question posée au genre et à l’identité sexuelle ; la marginalité, toujours en tension avec une récupération effective ou possible. »
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