Le député (Rassemblement national) Jean-Philippe Tanguy, le 13 novembre 2024, à Paris. GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP Après huit heures de discussions et l’examen de 248 articles, les sept députés et les sept sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP), jeudi 30 janvier, ont avancé sans anicroche pour trouver un compromis sur le projet de loi de
Après huit heures de discussions et l’examen de 248 articles, les sept députés et les sept sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP), jeudi 30 janvier, ont avancé sans anicroche pour trouver un compromis sur le projet de loi de finances pour 2025, et ont adopté, en fin d’après-midi, la partie « recettes ».
La CMP, qui a commencé ses travaux à 9 h 30 et devrait les poursuivre vendredi, est dominée par les soutiens du premier ministre, François Bayrou, avec huit parlementaires issus des rangs de la coalition gouvernementale. Ces huit voix sont au rendez-vous « à chaque fois », ce qui permet l’adoption des articles « sans modifications significatives », s’est félicité à la mi-journée le député (Renaissance) Jean-René Cazeneuve, qui siège comme suppléant à la CMP.
Si les quatorze parlementaires parvenaient à un compromis, celui-ci serait soumis la semaine prochaine aux deux Chambres du Parlement. Mais, faute de majorité à l’Assemblée pour le faire adopter, M. Bayrou devrait alors recourir à l’article 49.3, s’exposant à la censure des députés.
La partie « recettes » du budget, qui doit permettre de contenir le déficit à 5,4 % du PIB en 2025, au prix d’un effort budgétaire de 50 milliards d’euros, a été adoptée en fin d’après-midi. La coalition gouvernementale a « un accord en béton » qui ne laisse place « à aucun compromis » avec la gauche, a déploré le président (La France insoumise) de la commission des finances, Eric Coquerel, qui dénonce « un budget plus austéritaire » que celui de Michel Barnier, censuré en décembre.
Bien que le chef des sénateurs du Parti socialiste (PS), Patrick Kanner, a affirmé qu’il était « fort probable qu’à la fin » son parti vote « contre les conclusions de la CMP », il a estimé avoir remporté « des victoires, parce que nous sommes allés à la table de négociation » avec le gouvernement, citant le rétablissement de 4 000 postes d’enseignants, le logement ou la politique de la ville. « On a obtenu beaucoup de choses. Il y en avait certaines qui étaient déjà prévues, d’autres que nous avons obtenues au cours de la discussion » jeudi, a poursuivi l’un des négociateurs du PS, Philippe Brun. « Rien n’a été retenu » des propositions du PS, a réfuté M. Coquerel.
« Sur le fond, ça n’avance pas »
Les parlementaires ont notamment approuvé jeudi la limitation à un seul exercice (au lieu de deux) de la contribution exceptionnelle pour les grandes entreprises, objet des critiques du PDG de LVMH, Bernard Arnault. Autre mesure adoptée, la contribution différentielle demandée aux plus hauts revenus en 2025, censée rapporter environ 2 milliards d’euros. La gauche espérait la voir étendue, voire pérennisée, sans succès.
De manière générale, les propositions des socialistes, davantage enclins à voter la censure depuis les propos de M. Bayrou sur la « submersion » migratoire, ont rencontré peu de succès, que ce soit sur la taxe Gafam, la « flat tax », l’exit tax, l’augmentation de la taxe sur les transactions financières ou la taxation des rachats d’action, selon des sources parlementaires.
En signe de protestation face à des discussions au cours desquelles les marges de négociation sont apparues rapidement « extrêmement réduites », avec de « nouveaux reculs » concernant la réduction des dépenses, le représentant du Parti communiste français (PCF à la CMP, Pascal Savoldelli, a décidé de claquer la porte, ont fait savoir les sénateurs communistes dans un communiqué. « Sur le fond, ça n’avance pas », a aussi regretté le député (Rassemblement national, RN) Jean-Philippe Tanguy, qui participe aux négociations, agitant la menace d’une censure par son parti, qui doit être prise au « sérieux ».
Lors des discussions, a expliqué M. Tanguy, le RN s’est résolument opposé à un article du projet de loi de finances réformant la rémunération d’EDF pour sa production nucléaire, en remplacement du système actuel qui s’éteint le 31 janvier 2025 et qui obligeait l’électricien à vendre à prix cassé une partie de son électricité. Cette disposition pourrait provoquer un doublement du prix de l’électricité issue du nucléaire, ce qui pèserait sur les ménages et aggraverait la désindustrialisation, a argumenté M. Tanguy.
Ne pas faire « la courte échelle à Marine Le Pen »
Un sujet épineux pourrait envenimer les choses, celui de l’aide médicale de l’Etat (AME), réservée aux étrangers en situation irrégulière. Selon des sources parlementaires, la CMP devrait acter la diminution des crédits alloués à l’AME, de 200 millions d’euros sur 1,3 milliard, une « ligne rouge absolue », selon M. Brun. Mais, sous couvert d’anonymat, un responsable du PS se montre plus conciliant : « On va être vigilant sur une chose, qu’ils ne sabrent pas le budget. S’il est sabré, que les critères de l’AME ne changent pas. » Boris Vallaud a confirmé qu’il souhaitait voir « sanctuarisée » l’AME. « Cela fait partie des conditions absolument sine qua non », a-t-il martelé, appelant le bloc central à ne pas « céd[er] aux plus vils fantasmes de l’extrême droite ».
Les socialistes décideront de manière « autonome » de voter ou pas la censure, indépendamment de l’attitude du RN, avait déjà, de son côté, souligné le député (PS) Arthur Delaporte. « Nous verrons en fonction de ce qui sortira de la CMP et de l’évolution de la politique du premier ministre », a résumé M. Delaporte, rappelant les deux exigences « cumulatives » de son parti : un budget qui ne « dégrade » pas la vie des Français, et un gouvernement qui ne fasse pas « la courte échelle à Marine Le Pen ».
Le président de Renaissance, Gabriel Attal, qui avait souhaité après la chute de Michel Barnier que le socle commun sorte de la tutelle du RN, a apporté mercredi son soutien à François Bayrou dans sa recherche d’un accord avec les socialistes. « Personne, aucun groupe politique n’est totalement satisfait par ce budget. C’est peut-être la preuve qu’il y a une forme de compromis », a jugé l’ancien chef du gouvernement.
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