La BNF en appelle aux dons pour acquérir les planches originales de « La bête est morte ! », d’Edmond-François Calvo

La BNF en appelle aux dons pour acquérir les planches originales de « La bête est morte ! », d’Edmond-François Calvo

Couverture de l’album de Calvo, « La bête est morte ! » (1944). Texte de Victor Dancette. ÉDITIONS GALLIMARD La « belle endormie », comme l’appelle Carine Picaud, conservatrice à la Bibliothèque nationale de France (BNF) spécialisée dans le livre pour enfants à la Réserve des livres rares, sort progressivement de son sommeil. Longtemps exclue des programmations et des politiques

Couverture de l’album de Calvo, « La bête est morte ! » (1944). Texte de Victor Dancette.

La « belle endormie », comme l’appelle Carine Picaud, conservatrice à la Bibliothèque nationale de France (BNF) spécialisée dans le livre pour enfants à la Réserve des livres rares, sort progressivement de son sommeil. Longtemps exclue des programmations et des politiques d’acquisition des grandes institutions culturelles françaises, la bande dessinée pourrait effectuer une entrée notable, d’ici à la fin de l’année, dans les collections de l’établissement public consacré à l’imprimé, sur son site de Tolbiac (Paris 13e).

Ce ne serait pas totalement une première, mais l’opération est d’importance : l’appropriation des planches originales de La bête est morte !, joyau de l’histoire du neuvième art. Réalisé clandestinement sous l’Occupation par l’illustrateur Edmond-François Calvo (1892-1957) sur des textes de Victor Dancette (1900-1975) et Jacques Zimmermann (1902-1951), ce récit relate quasiment en direct les événements de la seconde guerre mondiale par le truchement de personnages animaliers.

La BNF possède déjà plus d’un millier d’originaux de bande dessinée : soit trois albums entiers d’Astérix le Gaulois offerts de son vivant par Albert Uderzo (1927-2020) en 2011 ; sept volumes de la série des Cités obscures données par François Schuiten et Benoît Peeters en 2016 ; et un ensemble de pièces diverses de F’murr (1946-2018) – planches, esquisses, story-boards… – cédées en dation à l’Etat en 2021. La différence, ici, est la nature même de l’acquisition : une souscription dont le montant devra atteindre 875 000 euros, d’ici le 31 décembre. Relié par Calvo lui-même, l’ensemble de soixante-dix-sept planches a été classé œuvre d’intérêt patrimonial majeur, ce qui le rend éligible à la défiscalisation. Sitôt l’offre d’achat lancée, « il n’y a pas eu l’ombre d’un doute qu’il nous fallait acquérir ce recueil au caractère de trésor national », indique Carine Picaud.

Sort des juifs évoqué

A l’exception d’une page, mystérieusement disparue, mais figurant dans la version imprimée (rééditée par Futuropolis au milieu des années 1970, et actuellement par Gallimard), le lot est resté dans la famille Calvo. Celle-ci n’a eu de cesse de prêter des planches pour des expositions. On peut en voir actuellement une quinzaine au Centre Pompidou, à Paris, à travers l’exposition « La BD à tous les étages », jusqu’au 4 novembre, et autant au Mémorial de l’internement et de la déportation de Compiègne (Oise), jusqu’au 5 janvier 2025. Exceptionnelle, l’œuvre l’est à plus d’un titre.

Ancien patron d’un hôtel-restaurant ayant décidé, à 46 ans, de se vouer à sa seule passion, le dessin, Edmond-François Calvo y déploie une aisance graphique dans la représentation caricaturale des animaux qui lui valut le surnom de « Disney français ». Utilisé sous le vernis d’un album pour enfants, le procédé de l’anthropomorphisme – les Français sont incarnés par des lapins et des écureuils, les nazis par des loups, les Américains par des bisons libérateurs ; le général de Gaulle a une tête de cigogne, Goering celle d’un cochon – ne pare pas moins le récit d’une dimension historique indéniable.

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Frederic Potet
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