L’Argentine annonce se retirer de l’Organisation mondiale de la santé, jugée « néfaste »

L’Argentine annonce se retirer de l’Organisation mondiale de la santé, jugée « néfaste »

Javier Milei, au Forum de Davos (Suisse), le 23 janvier 2025. MARKUS SCHREIBER / AP Le président argentin, Javier Milei, dans le sillage de son allié américain Donald Trump, va retirer l’Argentine de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a annoncé, mercredi 5 février, la présidence. Elle a cité, pour justifier cette décision, de « profondes différences sur

Javier Milei, au Forum de Davos (Suisse), le 23 janvier 2025.

Le président argentin, Javier Milei, dans le sillage de son allié américain Donald Trump, va retirer l’Argentine de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a annoncé, mercredi 5 février, la présidence. Elle a cité, pour justifier cette décision, de « profondes différences sur la gestion sanitaire », du Covid-19 en particulier, et « l’influence politique de certains Etats ».

« Le président a chargé le ministre des affaires étrangères Gerardo Werthein de retirer l’Argentine de l’OMS », a déclaré le porte-parole présidentiel Manuel Adorni en conférence de presse. Les Argentins ne vont « pas permettre à une organisation internationale d’intervenir dans notre souveraineté, encore moins dans notre santé », a-t-il ajouté.

Se référant aux « différences » sur la gestion sanitaire, il a en particulier cité « la pandémie qui, avec le gouvernement d’Alberto Fernandez [de centre-gauche, au pouvoir de 2019 à 2023] nous a conduits au plus long confinement de l’histoire de l’humanité », ainsi qu’à un « manque d’indépendance face à l’influence politique de certains Etats ».

L’Argentine, sévèrement touchée au début de la pandémie de Covid-19, avait appliqué des mesures sanitaires sévères, avec un confinement de cinq mois en 2020, considéré comme l’un des plus durs au monde, et une levée très progressive des restrictions. La pandémie y a fait environ 130 000 morts.

Dans un communiqué, la présidence est revenue à la charge sur la gestion de la pandémie, estimant que l’OMS a « échoué dans son épreuve de feu » sur le Covid-19, « en promouvant des quarantaines éternelles sans fondement scientifique », et provoquant « une des plus grandes catastrophes économiques de l’histoire mondiale ».

Une quarantaine « préhistorique »

Javier Milei, qui, dès avant sa présidence, avait critiqué la réponse gouvernementale à la pandémie, a fustigé sur Instagram « un organisme si néfaste qu’il a été l’exécutant de ce qui fut la plus grande expérience de contrôle social de l’histoire », « les idéologues d’une quarantaine préhistorique », d’« un des crimes contre l’humanité les plus saugrenus ».

En fin de journée toutefois, le ministre de la santé, Mario Lugones, a apporté un bémol à l’annonce fracassante, soulignant sur son compte X que « quitter l’OMS ne signifie pas quitter l’OPS [Organisation panaméricaine de la Santé], qui est préexistante et dépend de l’OEA [Organisation des Etats américains] ». L’OPS, dans les faits, « agit en tant que bureau régional pour les Amériques de l’OMS », indique l’OPS elle-même sur son site.

Selon le porte-parole présidentiel, le retrait argentin va donner au pays « une plus grande flexibilité pour mettre en œuvre des politiques adaptées au contexte et intérêts de l’Argentine, une plus grande disponibilité de ressources ». Il n’a pas chiffré l’impact de ce retrait. La contribution de l’Argentine à l’OMS pour le cycle budgétaire 2022-2023 a été de près de 4,4 millions de dollars par an et un montant proche (4,1 millions) a été prévu pour le cycle 2024-2025.

L’annonce de l’Argentine intervient dans la foulée du retrait américain de l’OMS. Dès son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a signé un décret exécutif visant à retirer son pays de l’organisme qu’il avait par le passé vivement critiqué pour sa gestion de la pandémie.

Le maintien de l’Argentine dans l’accord de Paris menacé

M. Milei, au pouvoir depuis décembre 2023, a affiché à maintes reprises admiration et affinité idéologique et personnelle avec le président américain, qu’il considère comme son premier allié naturel et stratégique.

L’annonce argentine, combine « une théâtralité, à l’attention de sa base de soutien et de l’administration Trump, avec une position souverainiste qui, loin d’améliorer la réputation internationale du pays, érode sa crédibilité », le laissant « isolé des conversations globales sur la santé », laquelle « ne connaît pas de frontières », analyse Federico Merke, spécialiste en relations internationales à l’Université de San Andres.

Depuis l’annonce du retrait américain – qui doit entrer en vigueur fin janvier 2026 –, l’OMS a dit regretter la décision de Trump, et espérer que les Etats-Unis « vont la reconsidérer ». L’annonce argentine sur l’OMS jette également une ombre accrue sur son maintien dans l’accord de Paris, clef de voûte de l’action climatique, dont Trump a aussi enclenché avec fracas le retrait sitôt revenu au pouvoir.

Milei a dit à plusieurs reprises considérer le réchauffement climatique comme un « cycle », et non une « responsabilité de l’homme ». En novembre, son chef de la diplomatie Gerardo Werthein avait expliqué que l’Argentine « réévaluait sa stratégie sur toutes les questions liées au changement climatique ». Et mercredi, le porte-parole présidentiel a indiqué qu’une éventuelle sortie de l’accord de Paris « est quelque chose qui est en cours d’évaluation », mais qu’« il n’y a pas de décision ».

Interdiction des traitements et chirurgie de transition pour mineurs

Toujours mercredi, le gouvernement argentin a annoncé par un communiqué de la présidence qu’il allait interdire les traitements et chirurgies de transition de genre pour mineurs, autorisés depuis une loi de 2012 moyennant l’approbation d’une autorité judiciaire.

« L’idéologie du genre poussée à l’extrême, et appliquée aux enfants par la force ou la coercition psychologique, constitue clairement et simplement une maltraitance infantile, souligne le communiqué. Les enfants n’ont pas la maturité cognitive nécessaire pour prendre des décisions concernant des processus irréversibles. »

La loi de 2012 sur l’identité de genre, votée sous le gouvernement péroniste (centre-gauche) de Cristina Kirchner, permettait l’accès à « des interventions chirurgicales totales et partielles et/ou à des traitements hormonaux complets pour adapter leur corps (…) à leur identité de genre perçue ». S’agissant des mineurs, le texte soulignait que l’intervention devait se faire avec l’approbation des responsables légaux et après « validation de l’autorité judiciaire », appelée à « garantir les principes de capacité de progression et d’intérêt supérieur de l’enfant ».

En présentant la mesure mercredi, le porte-parole présidentiel Manuel Adorni a dénoncé des « interventions auxquelles sont exposés les enfants [qui] représentent un risque sérieux pour leur santé physique et mentale, car elles impliquent une interruption du processus de maturation ». Le communiqué présidentiel évoque par ailleurs « des pays pionniers en matière de changement de genre chez les enfants, comme le Royaume-Uni, la Suède, la Finlande et, récemment, les Etats-Unis, [qui] font marche arrière ».

L’ultralibéral Milei, engagé dans ce qu’il qualifie de « bataille culturelle », s’en est pris à maintes reprises au « virus » ou « cancer woke », à « l’idéologie de genre ». Il envisage également de revenir sur la possibilité de changer de genre sur simple déclaration, prévue par la loi sur l’identité de genre de 2012.

L’annonce de la présidence a aussitôt suscité la réaction d’organisations LGBT+ et sensibles aux questions de genre. « Le président ne peut pas modifier une loi par décret. Et s’il essaie, nous ferons appel à la justice et à la Cour interaméricaine [des Droits de l’Homme] si nécessaire », a ainsi mis en garde la Fédération argentine LGBT+ sur X.

L’annonce de mercredi porte aussi sur les détenus, qui aux termes d’un décret à venir, « ne pourront plus invoquer un changement de genre pour demander un transfert dans une autre prison ». Par exemple un homme condamné disant se percevoir femme, « ceci afin de garantir la sécurité des femmes détenues », a indiqué le porte-parole.

Le Monde avec AFP

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