Le défenseur brésilien du Real Madrid Eder Militao, victime d’une rupture des ligaments croisés du genou droit, le 9 novembre 2024, à Madrid. SUSANA VERA / REUTERS Mercredi 20 novembre, trois chercheurs de l’université de Louvain (Belgique) ont achevé un travail de six mois, en publiant une étude consacrée aux cadences imposées aux footballeurs. Le rapport de Lode
Mercredi 20 novembre, trois chercheurs de l’université de Louvain (Belgique) ont achevé un travail de six mois, en publiant une étude consacrée aux cadences imposées aux footballeurs. Le rapport de Lode Godderis et Kelly Mortelmans, spécialisés dans la médecine du travail, et Frank Hendrickx, expert du droit du travail, sera « soumis comme preuve » à la plainte visant la Fédération internationale de football (FIFA) devant la Commission européenne, pour violation des règles du droit de la concurrence et abus de position dominante.
Les auteurs de cette plainte, et notamment la Fifpro – la branche européenne du syndicat mondial des joueurs – estiment que les calendriers sont de plus en plus remplis, sans tenir compte de l’avis et de la santé des principaux concernés. « Le football professionnel ne respecte pas les exigences légales en matière de normes de santé et de sécurité », dénonce l’organisation, qui a financé pour partie l’étude. Récemment, la barque des stars du ballon rond s’est alourdie d’une Coupe du monde des clubs à 32 équipes – dont la première édition aura lieu entre juin et juillet 2025, aux Etats-Unis – et de la nouvelle mouture de la Ligue des champions dont la phase de groupes a été rallongée de six à huit matchs pour chaque équipe.
S’ils prenaient part à toutes les rencontres possibles, en club et en sélection, certains joueurs pourraient se retrouver à disputer plus de quatre-vingts matchs par an. D’autant que ces rencontres nécessitent souvent des déplacements, des nuits loin de chez eux et des obligations médiatiques. « Cette étude a mis en évidence le fait que les exigences imposées à un joueur de football professionnel vont bien au-delà de ce qui se passe sur le terrain. L’effort physique pendant les matchs n’est qu’un aspect d’un tableau beaucoup plus large qui comprend le stress mental, l’impact des voyages, les défis de la récupération et bien d’autres facteurs », expliquent les universitaires.
36 blessures pour 1 000 heures de match
« Différents facteurs contribuent à la désynchronisation du sommeil chez les joueurs de football, notamment les matchs nocturnes, l’exposition à une lumière intense (…), la fatigue liée aux déplacements, les horaires de match incohérents et la variabilité individuelle des besoins en sommeil », ajoutent-ils. Dans le monde du football, de plus en plus de stars prennent la parole pour dénoncer ce train de vie. L’Espagnol Rodri a été l’un des premiers à faire entendre sa voix sur cette situation, évoquant même la possibilité de mener une grève si la situation n’évoluait pas. Quelques jours plus tard, le milieu de terrain de Manchester City s’est rompu les ligaments croisés au cours d’un match, l’obligeant à récupérer son Ballon d’or aidé de béquilles.
« Les protections fondamentales des travailleurs ne sont pas négociables », rappelle la Fifpro. Or, « le football présente un taux d’incidence des blessures plus élevé que les professions industrielles traditionnelles : 36 blessures pour 1 000 heures de match et 3,7 blessures pour 1 000 heures d’entraînement », pointe l’étude. En cause notamment, « la nature de plus en plus intense du jeu », « un nombre croissant de matchs » et « des périodes de récupération plus courtes ».
Dès le premier point de leurs résultats, les chercheurs rappellent que « le Comité international olympique recommande que les matchs de football soient espacés d’au moins 96 heures afin de protéger les joueurs contre les blessures et d’assurer une récupération suffisante ». Moins de deux matchs par semaine donc, une feuille de route pratiquement jamais respectée lors des semaines de Ligue des champions, où les joutes européennes de milieu de semaine sont encadrées par les matchs de championnat du week-end. Sans parler du « Boxing Day », cette période de fin d’année durant laquelle les rencontres s’enchaînent à un rythme effréné en Angleterre.
« Un impact négatif sur la santé mentale »
« Le corps des joueurs est la corde sur laquelle on tire pour augmenter les revenus. Nous jouerons notre troisième match en neuf jours, cela demande beaucoup, tant mentalement que physiquement » dénonçait ainsi le défenseur de Liverpool Virgil van Dijk, à la fin de 2023. « Les symptômes dépressifs sont plus fréquents chez les joueurs de football que dans la population générale, abonde l’étude. L’augmentation des charges d’entraînement, combinée à une récupération insuffisante, peut avoir un impact négatif sur l’humeur et la santé mentale générale des joueurs. »
Et peu importe, selon la Fifpro, si cette surcharge touche une infime partie de la population des joueurs, ou si ses stars perçoivent des émoluments jugés parfois disproportionnés. « La Fifpro rejette fermement l’impression (…) que la rémunération des travailleurs ne leur permettrait pas de bénéficier de protections. » Dans leur étude, les trois chercheurs soulignent que « différents types de suivi sont utilisés, notamment le suivi de la charge physique, le suivi psychologique » au sein des clubs, mais que « l’efficacité de ces méthodes pour prédire les blessures et optimiser les résultats de l’entraînement reste incertaine ».
Pourtant, « les normes de sécurité et de santé au travail, telles que définies par les cadres internationaux, sont pleinement applicables au secteur du football professionnel », constatent les universitaires. Ainsi, « les footballeurs professionnels sont reconnus comme des travailleurs par le droit du travail ». Un statut forçant, en théorie, les employeurs à « veiller à ce que la sécurité et la santé des joueurs soient prises en compte ».
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