Avant la course, Cassandre Beaugrand ne s’en était pas cachée : « l’objectif ultime de cette année et même des dernières années était les Jeux olympiques. Là, c’est juste un bonus en plus. » Le « bonus » vaut tout de même le détour. Samedi 19 octobre, à Torremolinos, près de Malaga, dans le sud de l’Espagne, elle est devenue la première Française sacrée championne du monde de triathlon, après sa victoire lors de la grande finale de la World Triathlon Championship Series (WTCS). L’épilogue d’une année 2024 exceptionnelle où la Francilienne aura aussi – surtout – remporté la médaille d’or lors des Jeux de Paris 2024.

Présentée depuis dix ans comme un talent d’exception, la grande blonde, l’une des figures de sa discipline, avait toujours manqué de peu ce titre de championne du monde. Chez les juniors (2014), les Espoirs (2018) ou les grandes (2023), Cassandre Beaugrand s’était à chaque fois classée deuxième. Et une fois encore, samedi, elle a failli manquer le sacre sur le fil.

Mais cette année, la Française de 26 ans a prouvé que rien ne pouvait plus la perturber. Et ce alors qu’elle aurait pu tout perdre d’emblée, puis après l’épreuve. Après s’être sérieusement égarée lors de la natation en début de course – une situation rare en triathlon –, Cassandre Beaugrand est parvenue à sortir non loin des premières lors de la transition natation-cyclisme, grâce à une nage très rapide. Cet épisode insolite – un jet-ski avec à son bord des commissaires de course semble être venu prévenir la Française qu’elle n’était pas du tout dans la bonne trajectoire – a fait réagir le clan britannique qui a déposé une réserve : deuxième samedi, la tenante du titre Beth Potter pouvait être sacrée en cas de disqualification. Après une heure de discussions, la réclamation pour « assistance extérieure » n’a pas abouti et la Française a pu savourer son podium, même à retardement.

Comment l’athlète tricolore parvient-elle à dominer son sport de la sorte depuis des mois ? La réponse à cette question se trouve sûrement dans son choix, en 2022, de quitter le soleil montpelliérain pour l’automne permanent de Loughborough, petite ville des Midlands renommée pour la section athlétisme de son université – son président, Sebastian Coe, n’est autre que le président de la Fédération internationale d’athlétisme. Elle y a rejoint son compagnon, Hector Pardoe, champion britannique de nage en eau libre, et repris ses études afin de bénéficier d’un visa étudiant et des installations de l’université. « Elle y a trouvé un équilibre de vie dont elle avait besoin à ce moment, racontait le directeur technique national du triathlon, Benjamin Maze. Que les athlètes soient heureux, c’est vraiment ce qui va faire la différence entre ceux qui subissent un système de performance et ceux qui sont des citoyens éclairés, épanouis, qui ont les clés de leur projet sportif. »

La Française Emma Lombardi également sur le podium

Pour Cassandre Beaugrand, l’équation était simple. Première du classement général du championnat du monde avant le début de la course, à la faveur de ses victoires lors des deux dernières WTCS à Cagliari (Italie) et à Hambourg (Allemagne), une première place samedi en Espagne lui assurait le titre.

Et une fois sa frayeur de la natation passée, la Française n’a guère laissé de suspense aux spectateurs andalous venus en nombre supporter les triathlètes. Alors que l’on pouvait s’attendre à un sprint final pour désigner la vainqueure du jour, Cassandre Beaugrand en a décidé autrement.

Dès le quatrième kilomètre de course à pied (sur dix), la Française a accéléré et aucune de ses deux principales adversaires du jour – la Britannique Beth Potter et la Française Emma Lombardi – n’a été en mesure de la suivre. Cassandre Beaugrand est arrivée avec une avance de 37 secondes sur Potter et 49 secondes sur sa compatriote et amie, qu’elle s’est empressée d’enlacer sur la ligne d’arrivée.

Pour Lombardi, cette troisième place en Espagne est une satisfaction après sa frustrante « médaille en chocolat » à Paris cet été. Elle lui permet même de grimper aussi sur le podium du classement général, aux côtés de Cassandre Beaugrand, désormais reine incontestée de la discipline.