Patron des gangs armés, ancien membre de l’opposition : Reginald Boulos tombera-t-il seul ?

Patron des gangs armés, ancien membre de l’opposition : Reginald Boulos tombera-t-il seul ?

L’arrestation de l’homme d’affaires Pierre Réginald Boulos par les services d’immigration américains (ICE) continue de secouer les milieux économiques et politiques haïtiens. Ce n’est pas un simple coup de filet, c’est potentiellement le point de bascule d’un système opaque qui, depuis des décennies, étend son emprise sur Haïti, en contrôlant la politique, l’économie et, souvent, les souterrains du pouvoir.

Boulos n’est pas un entrepreneur ordinaire. Son nom s’impose comme un acteur incontournable dans la dynamique politique haïtienne. L’ancien sénateur Jacques Sauveur Jean avait déclaré lors d’une émission « En Haïti, rien ne se fait en politique sans l’aval de Boulos. » Un constat qui, à lui seul, révèle l’ampleur de son influence. Selon les mêmes révélations, Boulos, comme d’autres magnats, ne finance pas un seul parti, mais plusieurs, plaçant ses pions des deux côtés de l’échiquier pour garantir la préservation de ses intérêts.

Ces intérêts, il les protège par tous les moyens. Outre son implication supposée dans le financement de partis et de manifestations qui, sous couvert de revendications populaires, ont souvent plongé le pays dans le chaos, Boulos bénéficie de contrats et de privilèges que seule sa proximité avec l’État pouvait expliquer. Le prêt controversé d’un million de dollars US contracté à l’Office National d’Assurance (ONA) et les contrats de vente de véhicules de qualité douteuse à l’État au début du mandat de Jovenel Moïse témoignent d’un système où la connivence remplace la transparence. C’est ce prêt d’un montant faramineux qui servait à financer des manifestations de l’opposition contre le 58ème président d’Haïti, et qui alimentait les gangs armés en armes et en munitions.

Mais l’aspect le plus explosif de l’affaire réside dans ses relations avec des figures du crime organisé. Boulos ne s’en cache pas, il a reconnu avoir eu des contacts avec Jimmy Chérizier « Barbecue », chef de la coalition criminelle « Viv Ansanm », récemment classée comme organisation terroriste par les États-Unis. Il a également défendu Ti Hougan, un autre chef de gang, en le présentant comme un « acteur social » à Cité Soleil. Derrière cette rhétorique humanitaire, se dessine une réalité troublante, ces alliances permettaient d’acheter la paix dans certains quartiers ou de mobiliser la rue quand les intérêts économiques étaient menacés.

Dès lors, une question cruciale s’impose : Boulos acceptera-t-il de plonger seul ? L’histoire récente d’Haïti montre que les grandes figures du secteur privé, lorsqu’elles sont prises dans la tourmente, entraînent rarement seules leur chute. Si l’enquête américaine avance, il est probable qu’elle mette en lumière un réseau plus large d’hommes d’affaires et de politiciens ayant profité ou alimenté ce cycle d’instabilité.

Cette arrestation pourrait donc inaugurer un effet domino, révéler les coulisses d’une économie captive, exposer les relations incestueuses entre le monde des affaires, la politique et les gangs, et peut-être, amorcer une reconfiguration de l’élite économique haïtienne. Washington semble déterminé à frapper fort, et Haïti pourrait enfin voir tomber un système que beaucoup dénoncent, mais que peu osent défier.

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