Présidentielle américaine 2024 : certains démocrates estiment que la victoire de Trump est due à des fraudes

Présidentielle américaine 2024 : certains démocrates estiment que la victoire de Trump est due à des fraudes

Des supporteurs et supportrices de Kamala Harris lors de son discours de défaite, le 6 novembre 2024, sur le campus de l’Howard University à Washington. STEPHANIE SCARBROUGH / AP « Le compte n’est pas bon ». « Trump a triché ». « Exigez un recomptage ». Depuis le 6 novembre, et la victoire du candidat républicain à la présidentielle américaine, des voix s’élèvent pour

Des supporteurs et supportrices de Kamala Harris lors de son discours de défaite, le 6 novembre 2024, sur le campus de l’Howard University à Washington.

« Le compte n’est pas bon ». « Trump a triché ». « Exigez un recomptage ». Depuis le 6 novembre, et la victoire du candidat républicain à la présidentielle américaine, des voix s’élèvent pour mettre en doute les résultats. Au contraire des élections précédentes, elles proviennent cette fois du camp démocrate.

Dans le discours dans lequel elle a reconnu sa défaite, Kamala Harris a pourtant admis que même si « les résultats de l’élection n’étaient pas ceux que nous voulions », « nous devons [les] accepter ». Mais nombre de ses électeurs, surpris par la défaite de leur candidate autant que par son ampleur, expriment leur incompréhension et leur détresse. Parmi ceux-ci, certains dénoncent une élection truquée et appellent à un recompte des voix.

Marginal sur TikTok, ce dénialisme électoral démocrate s’exprime surtout sur les réseaux sociaux X et Facebook, à travers les mots-clés #DoNotConcedeKamala (« N’admets pas ta défaite, Kamala ») et #Recount2024 (« Recomptez [les voix de l’élection de ] 2024 »). Il n’a rien d’aussi massif et systématique qu’a pu être le mouvement « Stop the steal » (« arrêtez le vol ») de Trump et ses militants en 2020, ou « Protect the vote » durant la campagne de 2024. Certains posts ont néanmoins atteint des audiences notables, à l’image d’un tweet réclamant recomptage vu plus de 13 millions de fois.

Le mythe des 20 millions de votes disparus

Ce discours aux accents conspirationnistes repose sur des détails peu significatifs ou trompeurs. « Il n’y a aucun moyen que ces enfoirés aient compté [les votes] aussi vite, parce qu’ils n’ont jamais compté aussi vite », enrage ainsi un internaute sur X, en référence au temps qu’il a fallu attendre pour connaître le vainqueur lors des précédentes élections. Mais celles-ci furent plus serrées. Comme l’expliquait le New York Times le 6 novembre, l’avance acquise par Trump dans plusieurs Etats-clés était suffisante pour le déclarer vainqueur avant même la fin du dépouillement, Kamala Harris ne pouvant mathématiquement plus le rejoindre.

Sur Facebook, un autre internaute explique qu’« il manque 20 millions de votes », preuve que « quelque chose ne tourne pas rond, à l’évidence ». Selon une rumeur persistante, Kamala Harris aurait en effet récolté 20 millions de votes de moins que Joe Biden en 2020 (dans d’autres versions, l’écart est de 18 millions), un fossé jugé anormal et suspect. Le parti démocrate et son principal comité d’action politique, Priorities USA, dénoncent régulièrement des opérations de « voter suppression », un ensemble de techniques légales comme illégales visant à empêcher certains groupes d’exercer leurs droits civiques. En Virginie, par exemple, 1 600 personnes ont été radiées des listes électorales début novembre sur décision de la Cour suprême, sur fond de désaccord entre démocrates et républicains sur leur citoyenneté américaine.

Sauf qu’il est fort improbable que 20 millions d’électeurs aient pu être privés de vote. En réalité, ces calculs bancals omettent de préciser que Joe Biden avait récolté au total 81 millions de votes en 2020, ce qui constitue un record absolu dans l’histoire américaine, mais que le décompte des voix de Kamala Harris est encore en cours. Jeudi 7 novembre à 14 heures, la candidate démocrate cumulait près de 68 millions de voix, ce qui n’est plus que 13 millions de moins, alors que le dépouillement continue dans le Nevada et l’Arizona. Elle a déjà dépassé les 65 millions de voix d’Hillary Clinton en 2016.

Des ingérences réelles et fantasmées

Les accusations les plus sérieuses portent sur l’ingérence électorale de la Russie. Au moins trois fois durant ces deux dernières semaines, les services de renseignement américains ont dénoncé des vidéos virales promouvant des théories du complot pro-Trump. Ces faux ont été attribués à Storm-1516, un groupe de désinformation lié au Kremlin qui a déjà opéré en France lors des Jeux olympiques.

L’internaute derrière le compte AlphaFox78, un militant trumpiste qui a le premier relayé une vidéo des faux électeurs haïtiens, a expliqué à CNN avoir été rémunéré 100 dollars par un propagandiste pro-Kremlin pour la poster. Si ces manipulations sont avérées, elles n’ont en revanche eu qu’un effet « marginal » sur le scrutin, estime le chercheur en sciences politiques Julien Giry, celles-ci circulant surtout chez des électeurs républicains qui étaient déjà acquis à Trump.

Certains démocrates dénoncent malgré tout une interférence électorale massive, quitte à monter en épingle des faits divers − une technique habituellement observée chez les militants complotistes trumpistes. Un utilisateur de X exige ainsi « une enquête et un nouveau vote », en partageant quatre extraits vidéo évoquant des urnes incendiées, comme autant d’indices de manipulation électorale. Or si trois boîtes à bulletins électoraux ont bel et bien été brûlées dans les Etats de l’Oregon et de Washington, ces incidents sont restés isolés. La police ignore les motivations de l’individu responsable, qui a laissé des messages en faveur de la Palestine, mais la plupart des électeurs touchés ont pu être identifiés et revoter.

« Aucune preuve de la moindre activité malveillante »

D’une manière générale, les contestations démocrates, éparses, relèvent davantage du désarroi que de réelles mises en doute de l’appareil électoral américain. Celui-ci n’a du reste pas été pris en faute, assurent les autorités fédérales. « Nos infrastructures électorales n’ont jamais été aussi sûres et la communauté [qui tient les bureaux de vote] jamais aussi bien organisée », se félicite la CISA, l’agence de cyberdéfense des Etats-Unis, qui déclare n’avoir vu « aucune preuve de la moindre activité malveillante qui ait eu un impact matériel sur la sécurité ou l’intégrité de notre infrastructure électorale. »

En 2020, Donald Trump avait tenté de convaincre le secrétaire d’Etat de Géorgie de lui « trouver 11 780 voix » qui lui manquaient pour remporter l’élection. Il a depuis été inculpé pour « complot frauduleux contre les Etats-Unis ». Quatre ans plus tard, après une campagne marquée par la diffusion tous azimuts de fausses informations et de théories du complot sur une hypothétique tricherie démocrate, il a remporté le scrutin avec une avance confortable. Les accusations de manipulation émanant des démocrates font désormais l’objet de moqueries de la part de militants trumpistes.

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