[Jeudi 4 septembre, 19 h 30, Paris. Grand salon Michel-Debré, à Bercy. Jean Pisani-Ferry répond à l’hommage que vient de lui rendre Eric Lombard, qu’il connaît depuis longtemps. Ils ont tous deux été membre du « groupe des Arcs » un club informel de hauts fonctionnaires et économistes de centre gauche.] Une remise de décoration, c’est une oraison funèbre avec droit
[Jeudi 4 septembre, 19 h 30, Paris. Grand salon Michel-Debré, à Bercy. Jean Pisani-Ferry répond à l’hommage que vient de lui rendre Eric Lombard, qu’il connaît depuis longtemps. Ils ont tous deux été membre du « groupe des Arcs » un club informel de hauts fonctionnaires et économistes de centre gauche.]
Une remise de décoration, c’est une oraison funèbre avec droit de réponse. Et celle-ci tombe bien parce que j’ai des choses à dire. (…)
Nous ne sommes pas dans un moment où l’on peut simplement se réjouir d’avoir accompli son petit parcours. Nous sommes dans un moment où chacun est forcé de s’interroger sur la responsabilité qui est la sienne dans l’état actuel de notre pays et ce qu’il peut faire pour l’aider à en sortir.
J’ai été un avocat de l’économie ouverte, de l’intégration européenne, et de la transition écologique. Je ne renie pas ces causes, pas plus que je ne renie mon engagement social-démocrate, auquel je crois avoir été fidèle. Mais sur chacun de ces chantiers, force est d’admettre que nous régressons.
J’ai commencé ma vie professionnelle au Cepii [Centre d’études prospectives et d’informations internationales] (…). A la fin des années 1970, on ne parlait pas encore de mondialisation mais Raymond Barre, conscient des mutations en cours, avait voulu créer cet institut spécialisé sur l’économie internationale. J’y ai travaillé à deux reprises, avant de le diriger de 1992 à 1997. J’y ai recruté Agnès Bénassy, Laurence Boone, Lionel Fontagné, ainsi que Philippe Martin, qui nous a brutalement quittés il y a deux ans. Ceux qu’on a appelés la « bande du Cepii » portaient une vision positive de l’ouverture. En partie à juste titre : celle-ci a été un puissant facteur de croissance dans le monde, et a permis qu’un milliard et demi de personnes sortent de l’extrême pauvreté.
Mais en partie seulement : nous n’avons pas anticipé l’ampleur du choc que cette mondialisation allait induire dans les pays avancés, ni ses conséquences pour l’emploi et les régions affectées, ni a fortiori ses incidences politiques. Il a fallu, pour nous ouvrir les yeux, attendre l’article sur le choc chinois publié en 2013 par trois économistes américains [David] Autor, [David] Dorn et [Gordon] Hanson. Ceux-ci ont montré à quel point cette ouverture mal accompagnée avait, aux Etats-Unis, détruit des emplois et dévasté des régions. Elle est très probablement à l’origine de ce que l’on voit se développer aujourd’hui aux Etats-Unis, sur le plan politique.
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