Il est l’un des ces jeunes audacieux qui opèrent dans l’ombre, sortent de terre des initiatives intelligentes susceptibles de servir leurs communautés. Ils ne sont pas nombreux tant l’envie de déserter Haïti est devenue envahissante, voire contagieuse, depuis quelques temps. Wilkens Gilbert, benjamin d’une fratrie de huit enfants, est fondateur d’un centre médico-chirurgical à Delmas 60. Dans ce quartier, le jeune chirurgien, formé à l’université Lumière, ne s’est pas cassé la tête pour déceler le besoin, l’opportunité et enfin y planter ce projet, l’un parmi d’autres qui l’animent.
Rien n’a pourtant été facile pour Wilkens Gilbert. Dire qu’il est un battant est un euphémisme. Wilkens Gilbert, détenteur d’un diplôme en Management des services de Santé grâce à un au partenariat entre l’université de Montréal et la FMP, a dû se battre pour être médecin, concilier petits boulots et études pour pouvoir joindre les deux bouts et construire son destin. Sur les rives de son parcours, lui, dont l’enfance n’était guère aisée, a même été policier pendant des années. Mais cela ne l’a pas contourné de son objectif : devenir médecin et servir le plus grand nombre.
Passé dans les rangs de la PNH, dont il a été l’un des lauréats de la 10ème promotion en mai 1999, Wilkens Gilbert, qui a séché en contrepartie une année de scolarité au lycée national de Pétion-Ville, n’a jamais perdu de vue le fil de ses ambitions. Il fut policier très jeune. Un an après, il a réussi son bac. Et commença alors le combat de toute une vie, de sa vie : être à la fois policier et étudiant. Celui qui a toujours été charmé sa grande sœur, infirmière, qui ne se faisait pas prier pour aider les voisins quand ils tombèrent malades devait faire un choix, peu de temps après, la conciliation s’avérant impossible.
Il a dû soumettre sa démission à la police pour se consacrer entièrement à ses études de médecine la Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé de l’Université Lumière. « Cela n’a pas été facile car se retrouver un beau matin sous la dépendance économique totale des parents après une certaine autonomie a été difficile », affirme aujourd’hui Wikens Gilbert, sans une once de regret. Avec le support financier d’un mécène étranger américain, le Dr Tom Gorin, il est parvenu à terminer le cycle d’études.
Le jeune médecin, qui souligne que « faire marcher correctement un hôpital relève de la discipline managériale et non médicale et que trop souvent nos hôpitaux sont dirigés par des médecins non managers », a fait ses armes à l’hôpital Justinien du Cap-Haïtien, a roulé sa bosse pour bien d’autres institutions de la place, bien avant de créer son centre de santé en 2014. « La santé est un droit fondamental qui est bafoué en Haïti. Le CMCQ a été lancé afin d’aider à remédier à cette situation », explique Gilbert, rappelant son centre de santé bénéficie depuis sa création d’un support de « Medical Aid To Haiti » (MATH) qui leur permet de couvrir certaines dépenses.
Wilkens Gilbert, qui a déjà fait l’acquisition d’un terrain à Bellevue La Montagne (4e section communale de Pétion-Ville) pour la construction d’un hôpital de niveau 2, a les yeux grands ouverts sur l’avenir. Il aimerait voir un pays où l’accès aux soins de santé ne serait plus un luxe. Il encourage d’autres jeunes à entreprendre des initiatives similaires. Chirurgien ayant complété sa formation à Brooklyn Hospital Center grâce à l’AMHE, il est inspiré, entre autres, par le Dr Emile Damas, le Dr Rodolphe Barella et Jean B. Gracia Coq.
« Je me suis lancé à fond, corps et âme dans ce projet car je suis convaincu que des choses positives sont encore possibles aux jeunes combattants de ce pays. Il nous faut renverser la vapeur et planifier un meilleur avenir aux générations futures», soutient Wilkens Gilbert, l’air déterminé, fils de paysans. Gilbert, lui, contrairement à d’autres, refuse de partir vers d’autres cieux plus cléments, malgré les offres. Il veut avancer, percer toutes les limites imaginables et reste ouvert à tout partenariat.
Site du centre de santé : www.cmcqhaiti.com
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