Le calvaire des migrants expulsés des États-Unis vers le Panama

Le calvaire des migrants expulsés des États-Unis vers le Panama

Enfermées et privées de statut légal, près de 300 personnes prises en charge par le gouvernement panaméen à la demande de l’administration Trump ne sont toujours pas fixées sur leur sort. Reportage de Grégoire Pourtier.

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Au cœur de Panama City, enserré entre un hôpital et un centre commercial abritant boutiques chics et casinos, le luxueux hôtel Decapolis a été vidé de ses touristes. On n’y pénètre plus qu’en trompant la vigilance de la police, mais pas de chambre disponible, impossible même d’y commander un café. « L’hôtel est en rénovation », nous explique-t-on dans le vaste lobby, déserté. En fait, le Decapolis hébergeait en ce début de semaine 299 migrants renvoyés des États-Unis.« J’ai aussi réussi à entrer, mais on m’a dit qu’il n’y avait pas d’instruction pour que je puisse rencontrer mes clients, qu’on ne pouvait rien me dire », relate Susana Sabalza, une avocate spécialisée dans les questions migratoires. « J’ai attendu toute la matinée et quand j’ai passé quelques coups de fil, immédiatement ont débarqué les services du Défenseur du peuple et des journalistes. Mais là, on nous a finalement viré de l’hôtel. »Les migrants sont isolés dans leurs chambres. On les aperçoit depuis l’extérieur, derrière leurs fenêtres, certains faisant des signes pour exprimer visiblement leur peur d’être renvoyés dans leur pays d’origine.Le Défenseur du peuple, un organe indépendant chargé des droits de l’homme au Panama, a pu, lui, accéder à certains de ces résidents forcés. Eduardo Leblanc, son directeur : « Nous sommes venus avec une psychologue, des avocats, des responsables des Droits de l’homme. Nous avons pu faire des entretiens, en priorité avec les familles, car la situation des enfants et des adolescents est le plus important pour nous. Nous avons donc parlé avec certains d’entre eux, pour voir comment ils allaient, et connaître un peu leur expérience ».Ils sont 24 enfants répartis dans 12 familles, dont l’une, taïwanaise, a des amis communs avec l’avocate Susana Sabalza. Elle voudrait les prendre en charge mais n’a pas pu les rencontrer au Decapolis, ni même leur parler par téléphone. Elle a finalement été informée officieusement qu’ils avaient été déplacés, de nuit, avec une centaine d’autres personnes, dans un camp précaire, en bordure de la jungle. Susana Sabalza dénonce les conditions imposées à ces migrants, dont la moitié aurait déjà accepté d’être rapatriés dans leur pays d’origine. « Le ministre de la Sécurité a indiqué fermement qu’ils ne sont pas séquestrés, qu’ils sont sous leur responsabilité, rappelle Susana Sabalza. Cependant, nous sommes sur le territoire panaméen, ils sont comme en détention car il y a clairement un vide juridique. Je n’accuse pas notre gouvernement car il faut être conscient de la pression imposée par les Etats-Unis. Mais jusqu’à quel point le Panama va-t-il accepter cela ? »Le petit pays est en effet dans le viseur de Donald Trump, qui a exprimé son envie de récupérer le canal que les Américains contrôlaient jusqu’à l’an 2000. Le président José Raul Mulino a cependant assuré que cette opération n’avait pas vocation à être reproduite, le Panama servant simplement de facilitateur avec des pays où les Etats-Unis n’auraient pas pu renvoyer ceux que Washington juge indésirables.Cependant, le Défenseur du peuple Eduardo Leblanc, estime que la situation légale doit être clarifiée. « Nous avons émis des recommandations pour le gouvernement panaméen par rapport à cette situation inédite pour le pays. Premièrement, toute les personnes qui entrent au Panama doivent avoir un statut migratoire. Ensuite, elles doivent avoir accès à des services de santé, d’alimentation. Enfin, elles doivent pouvoir solliciter l’asile dans les cas où c’est nécessaire, et il faut une attention spéciale pour les enfants et les adolescents. »Le gouvernement indique que 13 personnes ont déjà été rapatriées, et que l’opération, prise en charge par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence des Nations-Unies, ne coûtera pas un centime au pays.Frankétienne, mort d’un monument de la culture haïtiennePoète, écrivain, homme de théâtre, artiste, musicien, Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d’Argent de son vrai nom, est mort hier soir chez lui dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, à l’âge de 89 ans. La presse en Haïti lui rend un hommage appuyé et souligne son caractère hors-norme, « hyperbolique, abondant », selon le Nouvelliste, qui s’incline devant le départ d’un « génial mégalomane ». Frankétienne touchait à tout, à la littérature, à la chimie, aux mathématiques, « c’était un génie, un artiste polyvalent qui a peint des centaines de tableaux, écrit près de soixante-dix ouvrages mêlant poésies, romans, pièces de théâtre qu’il mettait lui-même en scène et qu’il interprétait avec succès. Frankétienne ne supportait pas la banalité, l’ordinaire, et prenait le parti de faire ce que les autres écrivains, les autres peintres ou dramaturges ne faisaient pas ».Il a exercé une énorme influence sur la poésie haïtienne, sur la langue aussi, avec ses propres mots, couchés, entre autre, dans un roman de 2017 : « embrindezingué », « salopété », « dévaginer », une ribambelle de néologismes qui ont forgé un art bien à lui, au cours d’une très longue carrière entamée dans les années 1960. Il deviendra d’ailleurs, note l’agence Alterpresse, le premier et éphémère titulaire du Ministère de la culture en Haïti, en 1988. Commandeur de l’Ordre des arts et des lettres, son œuvre multiforme continue, conclut Alterpresse, « d’influencer et d’inspirer les générations actuelles et les générations futures ».À lire aussiL’écrivain et poète haïtien, Frankétienne, est décédéLe ministère américain de l’Intérieur revient sur l’extension du TPS pour les Haïtiens Joe Biden avait étendu ce dispositif jusqu’en février 2026 pour les ressortissants haïtiens, l’administration Trump vient de revenir sur cette décision et la date butoir est ramenée au 3 août. Au-delà de ce jour, à moins qu’ils aient pu accéder à un autre statut légal, les Haïtiens qui bénéficiaient jusqu’alors du TPS seront à la merci d’une expulsion, et l’on parle d’un chiffre considérable : environ 500 000 Haïtiens seraient concernés par cette mesure. Dans le Miami Herald, colère de Frederica Wilson, élue démocrate de Floride, selon qui cette décision de la nouvelle Maison Blanche revient à un « baiser de la mort. Elle est révoltante, lâche Frederica Wilson, car les troubles qui touchent Haïti sont réels et nous devrions soutenir les Haïtiens au lieu de leur tourner le dos ».Les démocrates désarçonnés après un mois de présidence Trump30 jours au pouvoir, des bouleversements diplomatiques d’une ampleur inédite, une cohorte de décrets, des déclarations fracassantes qui noient la voix de l’opposition aux États-Unis : les démocrates ont bien du mal à réagir et s’adapter au rythme de la nouvelle Maison Blanche. Dossier de notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin, à réécouter dans son intégralité dans l’édition du jour. L’actualité des Outre-mer avec nos confrères de la 1èreLes chiffres alarmants de la sécurité routière en Guadeloupe : 54 morts sur les routes l’an dernier pour seulement 380 000 habitants.

Enfermées et privées de statut légal, près de 300 personnes prises en charge par le gouvernement panaméen à la demande de l’administration Trump ne sont toujours pas fixées sur leur sort. Reportage de Grégoire Pourtier.

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Au cœur de Panama City, enserré entre un hôpital et un centre commercial abritant boutiques chics et casinos, le luxueux hôtel Decapolis a été vidé de ses touristes. On n’y pénètre plus qu’en trompant la vigilance de la police, mais pas de chambre disponible, impossible même d’y commander un café. « L’hôtel est en rénovation », nous explique-t-on dans le vaste lobby, déserté. En fait, le Decapolis hébergeait en ce début de semaine 299 migrants renvoyés des États-Unis.

« J’ai aussi réussi à entrer, mais on m’a dit qu’il n’y avait pas d’instruction pour que je puisse rencontrer mes clients, qu’on ne pouvait rien me dire », relate Susana Sabalza, une avocate spécialisée dans les questions migratoires. « J’ai attendu toute la matinée et quand j’ai passé quelques coups de fil, immédiatement ont débarqué les services du Défenseur du peuple et des journalistes. Mais là, on nous a finalement viré de l’hôtel. »

Les migrants sont isolés dans leurs chambres. On les aperçoit depuis l’extérieur, derrière leurs fenêtres, certains faisant des signes pour exprimer visiblement leur peur d’être renvoyés dans leur pays d’origine.

Le Défenseur du peuple, un organe indépendant chargé des droits de l’homme au Panama, a pu, lui, accéder à certains de ces résidents forcés. Eduardo Leblanc, son directeur : « Nous sommes venus avec une psychologue, des avocats, des responsables des Droits de l’homme. Nous avons pu faire des entretiens, en priorité avec les familles, car la situation des enfants et des adolescents est le plus important pour nous. Nous avons donc parlé avec certains d’entre eux, pour voir comment ils allaient, et connaître un peu leur expérience ».

Ils sont 24 enfants répartis dans 12 familles, dont l’une, taïwanaise, a des amis communs avec l’avocate Susana Sabalza. Elle voudrait les prendre en charge mais n’a pas pu les rencontrer au Decapolis, ni même leur parler par téléphone. Elle a finalement été informée officieusement qu’ils avaient été déplacés, de nuit, avec une centaine d’autres personnes, dans un camp précaire, en bordure de la jungle. Susana Sabalza dénonce les conditions imposées à ces migrants, dont la moitié aurait déjà accepté d’être rapatriés dans leur pays d’origine. « Le ministre de la Sécurité a indiqué fermement qu’ils ne sont pas séquestrés, qu’ils sont sous leur responsabilité, rappelle Susana Sabalza. Cependant, nous sommes sur le territoire panaméen, ils sont comme en détention car il y a clairement un vide juridique. Je n’accuse pas notre gouvernement car il faut être conscient de la pression imposée par les Etats-Unis. Mais jusqu’à quel point le Panama va-t-il accepter cela ? »

Le petit pays est en effet dans le viseur de Donald Trump, qui a exprimé son envie de récupérer le canal que les Américains contrôlaient jusqu’à l’an 2000. Le président José Raul Mulino a cependant assuré que cette opération n’avait pas vocation à être reproduite, le Panama servant simplement de facilitateur avec des pays où les Etats-Unis n’auraient pas pu renvoyer ceux que Washington juge indésirables.

Cependant, le Défenseur du peuple Eduardo Leblanc, estime que la situation légale doit être clarifiée. « Nous avons émis des recommandations pour le gouvernement panaméen par rapport à cette situation inédite pour le pays. Premièrement, toute les personnes qui entrent au Panama doivent avoir un statut migratoire. Ensuite, elles doivent avoir accès à des services de santé, d’alimentation. Enfin, elles doivent pouvoir solliciter l’asile dans les cas où c’est nécessaire, et il faut une attention spéciale pour les enfants et les adolescents. »

Le gouvernement indique que 13 personnes ont déjà été rapatriées, et que l’opération, prise en charge par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence des Nations-Unies, ne coûtera pas un centime au pays.

Frankétienne, mort d’un monument de la culture haïtienne

Poète, écrivain, homme de théâtre, artiste, musicien, Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d’Argent de son vrai nom, est mort hier soir chez lui dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, à l’âge de 89 ans. La presse en Haïti lui rend un hommage appuyé et souligne son caractère hors-norme, « hyperbolique, abondant », selon le Nouvelliste, qui s’incline devant le départ d’un « génial mégalomane ». Frankétienne touchait à tout, à la littérature, à la chimie, aux mathématiques, « c’était un génie, un artiste polyvalent qui a peint des centaines de tableaux, écrit près de soixante-dix ouvrages mêlant poésies, romans, pièces de théâtre qu’il mettait lui-même en scène et qu’il interprétait avec succès. Frankétienne ne supportait pas la banalité, l’ordinaire, et prenait le parti de faire ce que les autres écrivains, les autres peintres ou dramaturges ne faisaient pas ».

Il a exercé une énorme influence sur la poésie haïtienne, sur la langue aussi, avec ses propres mots, couchés, entre autre, dans un roman de 2017 : « embrindezingué », « salopété », « dévaginer », une ribambelle de néologismes qui ont forgé un art bien à lui, au cours d’une très longue carrière entamée dans les années 1960. Il deviendra d’ailleurs, note l’agence Alterpresse, le premier et éphémère titulaire du Ministère de la culture en Haïti, en 1988. Commandeur de l’Ordre des arts et des lettres, son œuvre multiforme continue, conclut Alterpresse, « d’influencer et d’inspirer les générations actuelles et les générations futures ».

À lire aussiL’écrivain et poète haïtien, Frankétienne, est décédé

Le ministère américain de l’Intérieur revient sur l’extension du TPS pour les Haïtiens

Joe Biden avait étendu ce dispositif jusqu’en février 2026 pour les ressortissants haïtiens, l’administration Trump vient de revenir sur cette décision et la date butoir est ramenée au 3 août. Au-delà de ce jour, à moins qu’ils aient pu accéder à un autre statut légal, les Haïtiens qui bénéficiaient jusqu’alors du TPS seront à la merci d’une expulsion, et l’on parle d’un chiffre considérable : environ 500 000 Haïtiens seraient concernés par cette mesure. Dans le Miami Herald, colère de Frederica Wilson, élue démocrate de Floride, selon qui cette décision de la nouvelle Maison Blanche revient à un « baiser de la mort. Elle est révoltante, lâche Frederica Wilson, car les troubles qui touchent Haïti sont réels et nous devrions soutenir les Haïtiens au lieu de leur tourner le dos ».

Les démocrates désarçonnés après un mois de présidence Trump

30 jours au pouvoir, des bouleversements diplomatiques d’une ampleur inédite, une cohorte de décrets, des déclarations fracassantes qui noient la voix de l’opposition aux États-Unis : les démocrates ont bien du mal à réagir et s’adapter au rythme de la nouvelle Maison Blanche. Dossier de notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin, à réécouter dans son intégralité dans l’édition du jour. 

L’actualité des Outre-mer avec nos confrères de la 1ère

Les chiffres alarmants de la sécurité routière en Guadeloupe : 54 morts sur les routes l’an dernier pour seulement 380 000 habitants.

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