Réactions et soutien internationaux: Haïti au carrefour du péril

Réactions et soutien internationaux: Haïti au carrefour du péril

Le Conseil de sécurité de l’ONU a averti qu’Haïti est au bord du chaos, avec une augmentation de la violence des gangs et une vulnérabilité croissante des citoyens. Les États-Unis et d’autres nations appellent à une aide urgente et à des sanctions renforcées contre les responsables des gangs. La mission de soutien internationale peine à inverser la tendance de la violence.

Face à l’urgence, la communauté internationale multiplie les déclarations d’alarme – sans pour l’instant enrayer la dégradation sur le terrain. Hier à New York, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est penché une nouvelle fois sur le cas haïtien lors d’une réunion spéciale. Maria Isabel Salvador, représentante spéciale de l’ONU en Haïti et cheffe du BINUH, y a dressé un constat sombre, affirmant que « Haïti [est] au bord du chaos total » et qu’elle « approche d’un point de non-retour » si rien n’est fait​lenouvelliste.com« Alors que la violence des gangs continue de se propager dans de nouvelles zones du pays, les Haïtiens vivent dans une vulnérabilité de plus en plus grande et sont de plus en plus sceptiques sur la capacité de l’État à répondre à leurs besoins », a alerté Mme Salvador devant les membres du Conseil​lenouvelliste.com. Elle a exhorté l’ONU et ses États membres à intensifier d’urgence le soutien internationalpour éviter l’embrasement général, en particulier via un accroissement du financement et des effectifs de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS) déployée en Haïti. La cheffe du BINUH a également appelé à durcir les sanctions contre les chefs de gangs et leurs alliés, en inscrivant de nouveaux noms sur la liste des personnes frappées d’interdictions de voyage et de gel d’avoirs, et en faisant respecter strictement l’embargo sur les armes qui, jusqu’à présent, reste largement contourné.

Les États-Unis, principal bailleur de fonds de la PNH, ont abondé en ce sens. L’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, Dorothy Shea, a fait part de son inquiétude face aux « tendances effrayantes » observées en Haïti – nombre record de morts, recrudescence des viols et enrôlement d’enfants dans les gangs – signalant que le pays « continue de faire face à de sérieux défis tant en matière de sécurité que de gouvernance »haitilibre.com. Washington dit soutenir sans réserve la mission internationale menée par le Kenya pour aider la police haïtienne à reprendre le contrôle des zones aux mains des criminels. Mme Shea a par ailleurs dénoncé la corruption endémique qui gangrène l’État haïtien, condamnant les acteurs « qui abusent de leur position ou collaborent avec les gangs en faisant entrer armes et munitions ». Elle a confirmé que les États-Unis travaillaient avec leurs partenaires à identifier de nouvelles personnalités du crime organisé à sanctionner prochainement, l’objectif étant d’assécher les financements des gangs et de lutter contre l’impunité.

Les échanges au Conseil de sécurité ont également mis en lumière quelques dissonances géopolitiques. La Chine, membre permanent, a adopté un ton très critique à l’égard de la politique américaine en Haïti. Le représentant chinois a qualifié d’« profondément navrantes » les actions de Washington, accusé de contribuer à placer Haïti « au bord de l’effondrement ». Pékin fustige notamment la faillite de l’embargo sur les armes, soulignant que des cargaisons illégales en provenance de Floride continuent d’approvisionner les gangs. « Les gangs haïtiens sont aujourd’hui mieux équipés que la police nationale », a déploré l’émissaire chinois, appelant Haïti à « ne plus tout attendre de l’extérieur » et à mieux utiliser ses ressources limitées pour la sécurité de sa population. De leur côté, les délégations européenne (France, Royaume-Uni, Grèce…) ont insisté sur la nécessité de rétablir l’État de droit. Paris, qui assure ce mois-ci la présidence tournante du Conseil, exhorte par exemple à utiliser « tous les leviers » disponibles pour démanteler les réseaux criminels, y compris via la traque de leurs soutiens internationaux.

Dans la région, l’inquiétude des pays voisins grandit. Le ministre des Affaires étrangères de la République dominicaine, Roberto Álvarez, a rappelé que le drame sécuritaire haïtien figure désormais parmi les dix conflits les plus surveillés au monde en 2025. « Nous ne pouvons pas rester les bras croisés » face à la situation, a-t-il martelé, soulignant que les violences – notamment sexuelles – faites aux femmes et aux filles haïtiennes ont atteint des niveaux atterrants, avec des vies “irrévocablement détruites” jour après jour. La République dominicaine, qui partage l’île d’Hispaniola avec Haïti, a depuis quelques mois renforcé sa frontière (murs, patrouilles et expulsions de migrants) pour prévenir toute contagion du chaos voisin, tout en appelant la communauté internationale à accélérer l’assistance à Port-au-Prince.

Sur le terrain, la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS) – composée d’environ 1 000 policiers déployés par six pays sous leadership kényan – peine pour l’instant à renverser la vapeur face aux gangs. Néanmoins, son commandement assure progresser. La conseillère nationale à la sécurité du Kenya, Monica Juma, a déclaré que l’offensive conjointe PNH-MMSS entrait dans une « phase décisive », les bandits ayant commencé à coordonner leurs actions pour attaquer non seulement la population, mais aussi des installations stratégiques et des personnalités politiques. Fait notable, la PNH a tenu à démentir les rumeurs selon lesquelles les troupes étrangères resteraient passives : au contraire, « la MMSS est fortement engagée aux côtés de la PNH sur tous les fronts », ont affirmé lundi les porte-paroles des deux forces, citant des opérations conjointes en cours notamment dans la commune de Kenscoff. Cependant, le manque de ressources entrave l’efficacité de cette mission internationale. Sur les 2 500 policiers étrangers initialement prévus, seuls 1 000 sont effectivement présents à ce jour. Un renfort de 261 policiers kényans supplémentaire, approuvé il y a plusieurs semaines, est toujours bloqué dans son pays faute d’équipements adéquats et de soutien logistique pour assurer son déploiement en Haïti. Consciente de ces limites, l’Organisation des États américains (OEA) a remis officiellement lundi un lot de matériel tactique et médical à la Brigade de recherche et d’intervention (BRI), l’unité d’élite de la police haïtienne en première ligne contre les gangs. Ce geste, salué par les autorités haïtiennes, vise à renforcer les capacités opérationnelles sur le terrain en attendant que la force multinationale atteigne sa pleine capacité.

Les dernières 24 heures ont montré à la fois la gravité de la menace (avec la multiplication des attaques de gangs audacieuses jusqu’aux abords de Port-au-Prince) et l’ampleur de la mobilisation nationale et internationale pour tenter d’y faire face. Dans les rues haïtiennes, l’angoisse du lendemain le dispute à la lassitude d’une population exténuée par des années de crise, mais qui continue d’espérer des jours meilleurs. Sur la scène diplomatique, le ton des partenaires d’Haïti se fait de plus en plus pressant, évoquant un « point de non-retour » imminent ​lenouvelliste.com si un sursaut n’intervient pas immédiatement. Reste que les réponses concrètes tardent à produire leurs effets : la mission internationale, encore incomplète, n’a pas encore renversé la dynamique de terreur, et le calendrier électoral demeure hypothétique tant que les civils ne sont pas à l’abri. Haïti se trouve plus que jamais à la croisée des chemins. Sans un soutien renforcé et coordonné pour restaurer la sécurité et relancer la vie politique, le risque d’un effondrement total n’est plus une simple mise en garde rhétorique, mais une perspective tangible – avec des conséquences humanitaires et régionales potentiellement désastreuses. Dans ce contexte, chaque journée compte et celle écoulée aura au moins eu le mérite de braquer les projecteurs sur l’urgence d’agir, avant qu’il ne soit trop tard.

Haiti 24
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