En pleine transition gouvernementale, les gangs sont parvenus à obtenir la suspension des vols commerciaux américains vers Haïti et intensifient leurs opérations dans les quartiers de Port-au-Prince. Analyse avec Diego Da Rin, expert au sein de l’International Crisis Group, d’un coup de force prémédité. RFI : Trois avions ont été visés par balles lundi (11 novembre 2024) aux abords de l’aéroport international de Port-au-Prince. Même si des incidents similaires avaient été signalés au début de l’année, faut-il y voir une nouvelle forme d’action de la part des gangs ? Diego Da Rin : C’est une étape supplémentaire franchie par les groupes armés qui montrent qu’ils peuvent sans cesse atteindre de nouveaux niveaux de violence indiscriminée. Non seulement contre les forces de l’ordre, mais contre les institutions de l’État et la population haïtienne en général. RFI : Au-delà de l’échec des travaux de sécurisation qui ont été menés aux abords de l’aéroport, est-ce que cela signifie aussi que les gangs sont mieux armés qu’ils ne l’étaient ? Diego Da Rin : Depuis quelques années, les gangs acquièrent des armes de plus en plus puissantes, type AK47 ou M40 de calibre 7,62 mm, qui peuvent tirer à plus de 400 mètres de distance. C’est plus compliqué d’atteindre des cibles en mouvement et en hauteur, mais les appareils visés étaient soit en train d’arriver, soit en train de s’éloigner de la piste d’atterrissage, donc vulnérables. L’un des avions a été la cible d’au moins 4 projectiles, on parle bien d’une décision délibérée visant à entraîner la fermeture de l’aéroport. RFI : Port-au-Prince vit de nouveau au rythme des coups de boutoir des gangs depuis plusieurs jours, faisons-nous face à une nouvelle action coordonnée ? Diego Da Rin : Les attaques qui ont recommencé depuis lundi sont surtout concentrées à Port-au-Prince et sont très ciblées, à ce stade elles ne sont pas de la même ampleur que celles que l’on a connues, il y a quelques mois, mais leurs conséquences sont tout aussi dramatiques. Les États-Unis viennent d’interdire aux compagnies aériennes américaines de voler vers Haïti pendant un mois et la crise sécuritaire affecte les opérations humanitaires en plus des vols commerciaux. Les Nations unies ont annoncé qu’elles suspendaient les livraisons humanitaires via Port-au-Prince et qu’elles tenteraient pour le moment d’acheminer les cargaisons à partir du Cap-Haïtien, la plus grande ville du nord du pays. Or, une fois au Cap, il est très difficile de rejoindre la capitale parce que les gangs ont une emprise quasi-totale sur les principales voies de circulation. RFI : Quel est l’intérêt pour les gangs de lancer ces opérations maintenant ? Diego Da Rin : Cette nouvelle vague de violence a commencé à la mi-octobre, lorsque les tensions au sein de l’exécutif, la lutte de pouvoir entre le Premier ministre et le Conseil présidentiel de transition, ont gagné en intensité. À chaque fois qu’il y a une crise politique, les gangs en profitent pour affermir leur emprise et faire la démonstration de leur force militaire. Nous sommes en plein changement d’administration, ils lancent des signaux d’intimidation et font savoir qu’ils peuvent bloquer le pays n’importe quand. RFI : « Le temps est venu de prendre le destin de ce pays en main », ce sont les mots de Jimmy Chérizier dit Barbecue, l’une des figures les plus médiatiques issue de ces groupes armés, qu’entend-il par-là ?Diego Da Rin : C’est un signal au moment où des discussions sont engagées à propos de la MMAS, la mission de sécurité dirigée par le Kenya, qui pourrait se transformer en une opération de maintien de la paix onusienne, dotée de davantage de ressources et de moyens pour contrer les attaques des gangs. L’objectif, c’est d’empêcher le changement de nature de cette mission. Les gangs ont bien compris que dans son périmètre actuel, la MMAS ne constituait pas une véritable menace et veulent faire dérailler les plans qui mèneraient à sa mise à niveau. RFI : Quelles sont les marges de manœuvre du nouveau gouvernement face à ce dérapage sécuritaire, a-t-il encore des cartes à jouer ?Diego Da Rin : Ce dont le gouvernement a vraiment besoin, en plus d’une stratégie de sécurité un peu plus robuste avec les moyens du bord, c’est d’une aide de sécurité internationale plus importante afin de venir en aide à la police haïtienne et aux forces armées qui sont de plus en plus mobilisées. RFI : Peut-on imaginer une forme de dialogue entre ce nouvel exécutif et les groupes armés ? Est-ce que ce n’est pas aussi ça, le message de Jimmy Chérizier ?Diego Da Rin : La position du gouvernement précédent, celui du Premier ministre Garry Conille, c’était « avant toute autre disposition, déposez les armes ». Mais ce que demandent les gangs, c’est une amnistie. Or, une amnistie pure n’est pas concevable pour une population qui a fait face pendant de très nombreuses années à des kidnappings, des viols collectifs, des assassinats, des extorsions. La situation est très compliquée pour le gouvernement. Haïti et Washington sous Donald Trump, quel format ?L’exécutif haïtien affronte une autre montagne : l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en janvier 2025. Dans Le National, Dominique Domerçant revient sur la campagne de 2016 et sur la visite de celui qui n’était alors que le candidat des républicains dans le quartier de Little Haïti, à Miami. À l’époque, Trump pose avec les Américains d’origine haïtienne et leur dit dans un sourire qu’une fois élu, il sera leur champion. « On connaît la suite », tacle Dominique Domerçant. Haïti sera bien trop souvent dans la ligne de mire d’un Donald Trump qui mélange « discours populiste, sentiment nationaliste, protectionniste et raciste ».Si, à la fin des années 2010, les Américains ont pu soutenir l’ancien président Jovenel Moïse, comme toujours, ce n’était pas gratuit. Le National rappelle que Donald Trump avait engagé un bras de fer avec le président vénézuélien, Nicolas Maduro, et que pour conserver l’appui financier de Washington, Haïti comme d’autres pays de la sous-région, s’étaient pliés à la ligne dure de la Maison Blanche : pour plaire à Washington, ils avaient voté contre Maduro au sommet de l’Organisation des États américains. En résumé, conclut Dominique Domerçant, les autorités haïtiennes devraient choisir avec beaucoup de soin qui fera partie de la délégation présente à la cérémonie d’investiture de Donald Trump au mois de janvier. À la Maison Blanche, la fidélité avant toutLa future équipe de Donald Trump prend forme, avec des nominations confirmées à la Défense, à la tête de la CIA, au ministère de l’Intérieur ou au sein d’une structure pilotée par Elon Musk et mise sur pied pour sabrer dans les dépenses publiques. S’il fallait résumer ses choix d’un seul mot, la presse américaine choisirait la loyauté, et c’est Reuters qui en parle le mieux : loyauté, parce qu’au cours de son premier mandat, « Trump est entré en collision avec des membres-clé de son administration, en particulier dans les domaines du renseignement, de la sécurité nationale ou de la police. Des gens qui ont raconté par la suite à quel point ils avaient traîné des pieds ou tenté de dissuader le président d’appliquer ses décisions les plus controversées ». Aujourd’hui, libéré de ces garde-fous, le président-élu aura sans doute beaucoup plus de latitude. CNN remarque que chacun des responsables nommés jusqu’ici s’est fait connaître parce que Trump adore, « des louanges permanentes à son sujet, martelées sur tous les plateaux de télévision ». Sur l’Ukraine, attention, dangerEn matière de politique étrangère, attention, danger. Tribune à lire dans The Hill, où l’on s’alarme d’une nouvelle approche diplomatique, « sans commune mesure avec le consensus issu de la Seconde guerre mondiale, qui voyait les États-Unis comme les garants de la stabilité internationale ». C’est en Ukraine que le Trump imprévisible que l’on connaît pourrait tout changer. « Il y a ses affinités avec Poutine, il y a son mépris pour Zelensky, il pourrait tenter de réduire l’aide à l’Ukraine pour forcer Zelensky à négocier avec la Russie ». Or, abandonner l’Ukraine, c’est donner le feu vert à Poutine pour d’autres annexions. « À chaque fois qu’il a eu le sentiment de gagner face à l’Occident, Géorgie 2008, Ukraine 2014, Syrie 2015, il a lancé de nouvelles offensives quelques années plus tard . » Les Vénézuéliens de sept pays d’Amérique latine coupés du monde, le dossier Amériques d’Alice CampaignolleLa correspondante de RFI à Caracas retrace l’une des conséquences méconnues de la dernière élection présidentielle au Venezuela. En juillet 2024, le régime vénézuélien a annoncé le retrait de son personnel diplomatique de sept pays d’Amérique latine pour protester contre « l’ingérence » de leurs gouvernements dans les affaires intérieures vénézuéliennes. Sanctionnés pour avoir remis en cause la réélection de Nicolas Maduro à la tête de l’État, ils ont en outre eu 72 heures pour exfiltrer leurs diplomates du Venezuela. Une décision qui, au-delà de l’isolement de Caracas sur la scène internationale, porte préjudice aux plus de deux millions de Vénézuéliens qui vivent dans ces différents pays.Illustration à travers le témoignage de Yaël Diaz, une trentenaire vénézuélienne qui a quitté son pays il y a huit ans pour tenter sa chance à l’étranger et dispose aujourd’hui du statut de résidente permanente en Argentine : « en tant que Vénézuélienne, c’est pas mal d’avoir un visa de résidence ailleurs, un filet de sécurité en quelque sorte, que je n’ai vraiment pas l’impression d’avoir ici. Là-bas c’est facile de faire des démarches administratives, d’ouvrir un compte en banque par exemple. J’ai un lieu où vivre si je dois partir d’ici en catastrophe. »Mais, avec la fermeture des consulats, les choses pourraient bien se compliquer, pour son petit ami notamment.« Il a un passeport qui est encore valide pendant deux ans. Et comme on repart pour l’Argentine, on s’est posé la question de le renouveler maintenant, vu qu’on est au Venezuela en ce moment. Une fois là-bas, comment fait-on s’il n’y a pas d’ambassade, s’il n’y a pas moyen de faire quoi que ce soit ? De mon côté, j’ai demandé mon acte de naissance, je l’ai même fait apostiller pour ne pas me faire surprendre, maintenant qu’il n’y a plus d’ambassade. »Le retrait des personnels diplomatiques et consulaires affecte déjà des milliers de citoyens vénézuéliens. Exemple au Chili, où ils sont environ 700 000. Carolina Hidalgo Fiol, avocate :« Les démarches comme l’apostille d’acte de naissance, qui pouvaient se faire ici, ne peuvent plus l’être à Santiago. Les gens doivent se faire aider par quelqu’un au Venezuela, et donc impossible de respecter les délais de l’administration chilienne en matière migratoire. Un autre problème pour les Vénézuéliens, c’est l’impossibilité de demander un sauf-conduit. Ici, il y a beaucoup de gens dont le passeport est périmé, notamment car le renouvellement au Chili a toujours été un parcours du combattant, beaucoup de gens préféraient donc le faire renouveler directement au Venezuela, c’est plus rapide. Mais il faut un sauf-conduit pour voyager. Apparemment ça va pouvoir se faire en ligne, mais quel consulat va les délivrer ? Pas celui d’ici car il est fermé… »« Les gens se sentent apatrides, comme s’ils étaient expulsés de leur propre pays. L’idéal dans ce cas, ce serait de pouvoir fortifier ses racines ici au Chili, mais ce n’est pas possible non plus. Pour n’importe quel visa de résidence, si tu n’as pas pensé à faire la demande, par exemple, de la copie de ton casier judiciaire au Venezuela, ici tu ne pourras pas avancer dans ta démarche. Tu ne peux pas régulariser ta situation ici, mais tu ne peux pas non plus rentrer au Venezuela. Qu’est-ce qu’on peut faire ? Jusqu’ici je n’ai pas eu un seul client qui m’ait dit “je me sens Chilien et donc je veux demander la nationalité, car je veux rester ici toute ma vie”. Non, les gens demandent la nationalité, quand ils le peuvent, pour ne plus avoir à faire les démarches de renouveler un passeport vénézuélien. »Dossier signé Alice Campaignolle, à réécouter dans son intégralité dans l’édition du jour.
En pleine transition gouvernementale, les gangs sont parvenus à obtenir la suspension des vols commerciaux américains vers Haïti et intensifient leurs opérations dans les quartiers de Port-au-Prince. Analyse avec Diego Da Rin, expert au sein de l’International Crisis Group, d’un coup de force prémédité.
RFI : Trois avions ont été visés par balles lundi (11 novembre 2024) aux abords de l’aéroport international de Port-au-Prince. Même si des incidents similaires avaient été signalés au début de l’année, faut-il y voir une nouvelle forme d’action de la part des gangs ?
Diego Da Rin : C’est une étape supplémentaire franchie par les groupes armés qui montrent qu’ils peuvent sans cesse atteindre de nouveaux niveaux de violence indiscriminée. Non seulement contre les forces de l’ordre, mais contre les institutions de l’État et la population haïtienne en général.
RFI : Au-delà de l’échec des travaux de sécurisation qui ont été menés aux abords de l’aéroport, est-ce que cela signifie aussi que les gangs sont mieux armés qu’ils ne l’étaient ?
Diego Da Rin : Depuis quelques années, les gangs acquièrent des armes de plus en plus puissantes, type AK47 ou M40 de calibre 7,62 mm, qui peuvent tirer à plus de 400 mètres de distance. C’est plus compliqué d’atteindre des cibles en mouvement et en hauteur, mais les appareils visés étaient soit en train d’arriver, soit en train de s’éloigner de la piste d’atterrissage, donc vulnérables. L’un des avions a été la cible d’au moins 4 projectiles, on parle bien d’une décision délibérée visant à entraîner la fermeture de l’aéroport.
RFI : Port-au-Prince vit de nouveau au rythme des coups de boutoir des gangs depuis plusieurs jours, faisons-nous face à une nouvelle action coordonnée ?
Diego Da Rin : Les attaques qui ont recommencé depuis lundi sont surtout concentrées à Port-au-Prince et sont très ciblées, à ce stade elles ne sont pas de la même ampleur que celles que l’on a connues, il y a quelques mois, mais leurs conséquences sont tout aussi dramatiques.
Les États-Unis viennent d’interdire aux compagnies aériennes américaines de voler vers Haïti pendant un mois et la crise sécuritaire affecte les opérations humanitaires en plus des vols commerciaux. Les Nations unies ont annoncé qu’elles suspendaient les livraisons humanitaires via Port-au-Prince et qu’elles tenteraient pour le moment d’acheminer les cargaisons à partir du Cap-Haïtien, la plus grande ville du nord du pays. Or, une fois au Cap, il est très difficile de rejoindre la capitale parce que les gangs ont une emprise quasi-totale sur les principales voies de circulation.
RFI : Quel est l’intérêt pour les gangs de lancer ces opérations maintenant ?
Diego Da Rin : Cette nouvelle vague de violence a commencé à la mi-octobre, lorsque les tensions au sein de l’exécutif, la lutte de pouvoir entre le Premier ministre et le Conseil présidentiel de transition, ont gagné en intensité. À chaque fois qu’il y a une crise politique, les gangs en profitent pour affermir leur emprise et faire la démonstration de leur force militaire. Nous sommes en plein changement d’administration, ils lancent des signaux d’intimidation et font savoir qu’ils peuvent bloquer le pays n’importe quand.
RFI : « Le temps est venu de prendre le destin de ce pays en main », ce sont les mots de Jimmy Chérizier dit Barbecue, l’une des figures les plus médiatiques issue de ces groupes armés, qu’entend-il par-là ?
Diego Da Rin : C’est un signal au moment où des discussions sont engagées à propos de la MMAS, la mission de sécurité dirigée par le Kenya, qui pourrait se transformer en une opération de maintien de la paix onusienne, dotée de davantage de ressources et de moyens pour contrer les attaques des gangs. L’objectif, c’est d’empêcher le changement de nature de cette mission. Les gangs ont bien compris que dans son périmètre actuel, la MMAS ne constituait pas une véritable menace et veulent faire dérailler les plans qui mèneraient à sa mise à niveau.
RFI : Quelles sont les marges de manœuvre du nouveau gouvernement face à ce dérapage sécuritaire, a-t-il encore des cartes à jouer ?
Diego Da Rin : Ce dont le gouvernement a vraiment besoin, en plus d’une stratégie de sécurité un peu plus robuste avec les moyens du bord, c’est d’une aide de sécurité internationale plus importante afin de venir en aide à la police haïtienne et aux forces armées qui sont de plus en plus mobilisées.
RFI : Peut-on imaginer une forme de dialogue entre ce nouvel exécutif et les groupes armés ? Est-ce que ce n’est pas aussi ça, le message de Jimmy Chérizier ?
Diego Da Rin : La position du gouvernement précédent, celui du Premier ministre Garry Conille, c’était « avant toute autre disposition, déposez les armes ». Mais ce que demandent les gangs, c’est une amnistie. Or, une amnistie pure n’est pas concevable pour une population qui a fait face pendant de très nombreuses années à des kidnappings, des viols collectifs, des assassinats, des extorsions. La situation est très compliquée pour le gouvernement.
Haïti et Washington sous Donald Trump, quel format ?
L’exécutif haïtien affronte une autre montagne : l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en janvier 2025. Dans Le National, Dominique Domerçant revient sur la campagne de 2016 et sur la visite de celui qui n’était alors que le candidat des républicains dans le quartier de Little Haïti, à Miami. À l’époque, Trump pose avec les Américains d’origine haïtienne et leur dit dans un sourire qu’une fois élu, il sera leur champion. « On connaît la suite », tacle Dominique Domerçant. Haïti sera bien trop souvent dans la ligne de mire d’un Donald Trump qui mélange « discours populiste, sentiment nationaliste, protectionniste et raciste ».Si, à la fin des années 2010, les Américains ont pu soutenir l’ancien président Jovenel Moïse, comme toujours, ce n’était pas gratuit. Le National rappelle que Donald Trump avait engagé un bras de fer avec le président vénézuélien, Nicolas Maduro, et que pour conserver l’appui financier de Washington, Haïti comme d’autres pays de la sous-région, s’étaient pliés à la ligne dure de la Maison Blanche : pour plaire à Washington, ils avaient voté contre Maduro au sommet de l’Organisation des États américains. En résumé, conclut Dominique Domerçant, les autorités haïtiennes devraient choisir avec beaucoup de soin qui fera partie de la délégation présente à la cérémonie d’investiture de Donald Trump au mois de janvier.
À la Maison Blanche, la fidélité avant tout
La future équipe de Donald Trump prend forme, avec des nominations confirmées à la Défense, à la tête de la CIA, au ministère de l’Intérieur ou au sein d’une structure pilotée par Elon Musk et mise sur pied pour sabrer dans les dépenses publiques. S’il fallait résumer ses choix d’un seul mot, la presse américaine choisirait la loyauté, et c’est Reuters qui en parle le mieux : loyauté, parce qu’au cours de son premier mandat, « Trump est entré en collision avec des membres-clé de son administration, en particulier dans les domaines du renseignement, de la sécurité nationale ou de la police. Des gens qui ont raconté par la suite à quel point ils avaient traîné des pieds ou tenté de dissuader le président d’appliquer ses décisions les plus controversées ». Aujourd’hui, libéré de ces garde-fous, le président-élu aura sans doute beaucoup plus de latitude. CNN remarque que chacun des responsables nommés jusqu’ici s’est fait connaître parce que Trump adore, « des louanges permanentes à son sujet, martelées sur tous les plateaux de télévision ».
Sur l’Ukraine, attention, danger
En matière de politique étrangère, attention, danger. Tribune à lire dans The Hill, où l’on s’alarme d’une nouvelle approche diplomatique, « sans commune mesure avec le consensus issu de la Seconde guerre mondiale, qui voyait les États-Unis comme les garants de la stabilité internationale ». C’est en Ukraine que le Trump imprévisible que l’on connaît pourrait tout changer. « Il y a ses affinités avec Poutine, il y a son mépris pour Zelensky, il pourrait tenter de réduire l’aide à l’Ukraine pour forcer Zelensky à négocier avec la Russie ». Or, abandonner l’Ukraine, c’est donner le feu vert à Poutine pour d’autres annexions. « À chaque fois qu’il a eu le sentiment de gagner face à l’Occident, Géorgie 2008, Ukraine 2014, Syrie 2015, il a lancé de nouvelles offensives quelques années plus tard . »
Les Vénézuéliens de sept pays d’Amérique latine coupés du monde, le dossier Amériques d’Alice Campaignolle
La correspondante de RFI à Caracas retrace l’une des conséquences méconnues de la dernière élection présidentielle au Venezuela. En juillet 2024, le régime vénézuélien a annoncé le retrait de son personnel diplomatique de sept pays d’Amérique latine pour protester contre « l’ingérence » de leurs gouvernements dans les affaires intérieures vénézuéliennes. Sanctionnés pour avoir remis en cause la réélection de Nicolas Maduro à la tête de l’État, ils ont en outre eu 72 heures pour exfiltrer leurs diplomates du Venezuela. Une décision qui, au-delà de l’isolement de Caracas sur la scène internationale, porte préjudice aux plus de deux millions de Vénézuéliens qui vivent dans ces différents pays.
Illustration à travers le témoignage de Yaël Diaz, une trentenaire vénézuélienne qui a quitté son pays il y a huit ans pour tenter sa chance à l’étranger et dispose aujourd’hui du statut de résidente permanente en Argentine : « en tant que Vénézuélienne, c’est pas mal d’avoir un visa de résidence ailleurs, un filet de sécurité en quelque sorte, que je n’ai vraiment pas l’impression d’avoir ici. Là-bas c’est facile de faire des démarches administratives, d’ouvrir un compte en banque par exemple. J’ai un lieu où vivre si je dois partir d’ici en catastrophe. »
Mais, avec la fermeture des consulats, les choses pourraient bien se compliquer, pour son petit ami notamment.
« Il a un passeport qui est encore valide pendant deux ans. Et comme on repart pour l’Argentine, on s’est posé la question de le renouveler maintenant, vu qu’on est au Venezuela en ce moment. Une fois là-bas, comment fait-on s’il n’y a pas d’ambassade, s’il n’y a pas moyen de faire quoi que ce soit ? De mon côté, j’ai demandé mon acte de naissance, je l’ai même fait apostiller pour ne pas me faire surprendre, maintenant qu’il n’y a plus d’ambassade. »
Le retrait des personnels diplomatiques et consulaires affecte déjà des milliers de citoyens vénézuéliens. Exemple au Chili, où ils sont environ 700 000. Carolina Hidalgo Fiol, avocate :
« Les démarches comme l’apostille d’acte de naissance, qui pouvaient se faire ici, ne peuvent plus l’être à Santiago. Les gens doivent se faire aider par quelqu’un au Venezuela, et donc impossible de respecter les délais de l’administration chilienne en matière migratoire. Un autre problème pour les Vénézuéliens, c’est l’impossibilité de demander un sauf-conduit. Ici, il y a beaucoup de gens dont le passeport est périmé, notamment car le renouvellement au Chili a toujours été un parcours du combattant, beaucoup de gens préféraient donc le faire renouveler directement au Venezuela, c’est plus rapide. Mais il faut un sauf-conduit pour voyager. Apparemment ça va pouvoir se faire en ligne, mais quel consulat va les délivrer ? Pas celui d’ici car il est fermé… »
« Les gens se sentent apatrides, comme s’ils étaient expulsés de leur propre pays. L’idéal dans ce cas, ce serait de pouvoir fortifier ses racines ici au Chili, mais ce n’est pas possible non plus. Pour n’importe quel visa de résidence, si tu n’as pas pensé à faire la demande, par exemple, de la copie de ton casier judiciaire au Venezuela, ici tu ne pourras pas avancer dans ta démarche. Tu ne peux pas régulariser ta situation ici, mais tu ne peux pas non plus rentrer au Venezuela. Qu’est-ce qu’on peut faire ?
Jusqu’ici je n’ai pas eu un seul client qui m’ait dit “je me sens Chilien et donc je veux demander la nationalité, car je veux rester ici toute ma vie”. Non, les gens demandent la nationalité, quand ils le peuvent, pour ne plus avoir à faire les démarches de renouveler un passeport vénézuélien. »
Dossier signé Alice Campaignolle, à réécouter dans son intégralité dans l’édition du jour.
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