Alors que de plus en plus de pays africains tournent le dos à l’influence française, la question se pose : combien cela coûte-t-il réellement à la France de « quitter » l’Afrique, ou plus précisément, d’en être expulsée sous la pression populaire ou politique ?
Quitter l’Afrique de force : quel coût pour la France ?
D’un point de vue économique, la France perd l’accès privilégié à des marchés stratégiques, à des ressources naturelles comme le pétrole, l’uranium, le coton ou le cacao, ainsi qu’à de nombreux contrats publics autrefois accordés à des entreprises françaises. Entre 2002 et 2021, la part de marché de la France en Afrique est passée de 10,6 % à 4,4 %, pendant que la Chine s’imposait avec près de 19 % de part de marché. Ce recul se traduit par une baisse des revenus pour des entreprises françaises comme Eramet, Bolloré, TotalÉnergies ou Orano.
Par exemple, Orano (ex-Areva) a perdu le permis d’exploitation de la mine d’Imouraren au Niger, l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, après y avoir investi plus d’un milliard d’euros. De son côté, Eramet a dû suspendre temporairement ses opérations au Gabon, un pays où elle emploie environ 8 000 personnes, à la suite du coup d’État militaire de 2023.
Sur le plan bancaire, BNP Paribas et Société Générale ont progressivement quitté plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et centrale (Burkina Faso, Guinée, Tchad, etc.), réduisant leur exposition à des marchés jugés moins rentables ou plus risqués, mais laissant aussi la place à des banques locales ou asiatiques.
Sur le plan géopolitique, la perte d’influence en Afrique affaiblit le rayonnement international de la France. Ne plus disposer de bases militaires dans certaines régions ou perdre des alliances stratégiques rend la France plus dépendante d’autres partenaires pour sa sécurité et ses opérations extérieures. En 2020, la France comptait environ 10 700 soldats en Afrique subsaharienne. En 2025, ils sont moins de 2 300. Le retrait du Niger, par exemple, aurait coûté entre 200 et 400 millions d’euros, selon le ministère des Armées.
Ce repli militaire remet également en question le poids diplomatique de la France dans les enceintes internationales, où l’influence francophone représentait un levier de pouvoir. L’axe Moscou-Pékin-Ankara gagne du terrain, proposant une coopération « sans conditions politiques » qui séduit de plus en plus de gouvernements africains.
Il y a aussi un coût symbolique et politique. Être « chassée » d’un continent avec lequel elle entretient des relations historiques profondes (souvent controversées) nuit à l’image de la France, tant à l’étranger qu’au sein même de sa population. Ce recul est souvent perçu comme un affaiblissement de la puissance française, voire comme un échec diplomatique majeur.
Certaines voix en France estiment que ce « départ » pourrait aussi être l’occasion d’un nouveau départ plus sain, basé sur le respect mutuel et une coopération égalitaire. Mais cela nécessitera du temps, des moyens, et surtout une volonté sincère de changer les logiques de domination héritées de la colonisation. La France peut encore rebondir sur le continent, mais à condition de réinventer totalement sa relation avec l’Afrique.
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goelette
20 mai 2025, 13:11La France fait plus de bizness avec l'Afrique du Sud, le Nigeria et l'Egypte qu'avec toute l'Afrique Francophone et ce n'est pas nouveau… Le projet d'Imouraren était en sommeil depuis 2015, les travaux devaient commencer en juin 2024 quelques jours avant le retrait du permis donc il n'y a eu aucun investissement… Quant à Bolloré, il a échangé Bolloré logistic contre une prise de participation dans MSC. La nouvelle entreprise AGL reste une socitété française dirigée depuis Paris. On assiste donc davantage une invisibilisation de la présence française qu'à un départ.