Dix ans du 13-Novembre : pour les musulmans de France, la plongée dans l’ère du soupçon

Dix ans du 13-Novembre : pour les musulmans de France, la plongée dans l’ère du soupçon

Extraits des registres de condoléances ouverts par la mairie du 11ᵉ au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. Archives de Paris, octobre 2025. CAMILLE GHARBI POUR « LE MONDE » Pour les musulmans de France, l’année 2015, qui a débuté par les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, à Paris, et de Montrouge (Hauts-de-seine), et

Extraits des registres de condoléances ouverts par la mairie du 11ᵉ au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. Archives de Paris, octobre 2025.

Pour les musulmans de France, l’année 2015, qui a débuté par les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, à Paris, et de Montrouge (Hauts-de-seine), et s’est achevée dans le bain de sang du Bataclan et des terrasses, à Paris, et aux abords du Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), marque un tournant funeste. Il y a un « avant et un après 13-Novembre », note Ibrahim Alci, président du Comité de coordination des musulmans turcs de France et coprésident du Conseil français du culte musulman (CFCM). « Jusque-là, on était plutôt tranquilles, on vivait paisiblement, notamment chez moi, à Roubaix [Nord], se remémore-t-il. Depuis les attentats, les musulmans ont une nouvelle peur, celle d’être regardés comme des coupables, qu’il y ait de la suspicion à notre égard, de devoir sans cesse se justifier. » Il se demande tout le temps s’il doit réagir : « A chaque attentat, je me dis, mon Dieu, j’espère que ce n’est pas encore un musulman », dit-il, ajoutant : « Les musulmans de France condamnent clairement et sans ambiguïté ces actes qui trahissent les valeurs de l’islam. »

En fait, le changement de discours à l’égard de l’islam et des musulmans a été progressif. « Dans un premier temps, la réaction des pouvoirs publics et de la classe politique a été plutôt retenue et rassembleuse, note le politologue et sociologue Vincent Geisser, spécialiste de l’islam de France. Les discours d’unité l’ont emporté. Si l’on a pointé les musulmans, c’était plutôt une demande de réaction en tant que communauté pour condamner les attentats. On les a soupçonnés d’indifférence. » Le chercheur, qui a mené une étude sur le sujet avec Omero Marongiu-Perria, dément tout « silence musulman » et souligne l’« injonction paradoxale » qui consiste à demander aux musulmans de ne pas former une communauté dans la République, mais de condamner les attentats en tant que communauté.

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