Plusieurs citoyens interrogés à propos affirment qu’ils n’ont pas le cœur à la fête. La crise sociopolitique, et surtout la crise économique, contraint les Haïtiens à se concentrer exclusivement sur leur subsistance.

Mali, mère célibataire de 3 fillettes et d’un petit garçon, demeurant à Canaan, exprime son incertitude à propos de la fête et se plaint de la misère et de l’insécurité. Elle pense que la situation à laquelle fait face le pays, fêter la Noël est un luxe que la majorité de la population ne peut pas se permettre. « Moi personnellement je ne peux pas penser à la fête, j’ai quatre enfants, je dois d’abord penser à comment je vais payer leurs frais de scolarité et puis dans une seule année j’étais obligée de laisser mon chez moi à 3 reprises. Si j’avais les moyens je ne serais pas là. La peur m’envahit, j’ai perdu tous mes cheveux à cause du stress. Comme on dit “malere, malerèz, pa nan fèt” », explique-t-elle désespérément.

Si certains font face à un manque de pouvoir d’achat, pour d’autres comme Tony, ce sont des investissements gaspillés qui ont altéré leur perspective et leur façon de penser. Tony pense que Noël pour les Haïtiens n’est qu’une illusion. « Mwen gen plis pase 10 lane depi m te konn vann jwèt ak dekorasyon lè sezon nwèl anba lavil, se te toujou bèl lavant. Ane pase se te dènye ane m, mwen fè kwa », jure-t-il avec colère et déception « non sèlman mwen pèdi komès mwen, pa t gen lavant jan sa te ye lontan, epi mwen te oblije peye resèt chak jou », aoute-t-il avec désolation.

Les « resèt » sont des frais imposés par des bandits aux commerçants afin de leur permettre de vendre leurs marchandises. S’ ils ne payent pas, les malveillants saisissent ou détruisent les commerces.

La diaspora a toujours grandement contribué à rehausser l’éclat des fêtes de Noël en Haïti. La période des fêtes de Noël a toujours été l’occasion tant attendue pour des membres de la diaspora de retourner dans la terre natale, passer de bons moments entre familles et amis. Mais malheureusement, tout cela fait partie du passé où le pays était stable et que tout le monde pouvait fonctionner en toute quiétude.

La crise économique et l’insécurité enlèvent le goût de la fête aux Haïtiens. À quelques jours de la Noël, l’insalubrité s’impose, les rues ne sont pas décorées comme à l’ordinaire, seulement quelques médias diffusent des chants de Noël. La tradition disparaît, même les grands magasins ne donnent pas le ton. À l’instar des milliers d’habitants qui quittent le pays, l’esprit de Noël quitte aussi Haïti.