Éditorial: Le secteur privé haïtien absent dans la lutte contre la pandemie du coronavirus

Éditorial: Le secteur privé haïtien absent dans la lutte contre la pandemie du coronavirus

Il est très rare qu’un seul et même problème mobilise l’attention du monde entier. La pandémie du coronavirus a déjà causé 755 591 cas de contamination et 36 873 décès dans 177 pays et territoires, ce lundi 30 mars 2020 (données fournies par l’université américaine Johns Hopkins, lundi 23 mars).

Aucun pays (riche ou sous-développé) n’a encore trouvé la méthode efficace pour déjouer la flambée de cette maladie qui frappe sans discrimination.

En République dominicaine (901 cas positifs et 42 décès) l’alliance des entreprises conjointement avec le Conseil national des entreprises privées (CONEP), a annoncé, le 17 mars dernier, une contribution de 263 millions de pesos dominicains, dans le but d’atténuer l’impact du coronavirus dans le pays. Cette première contribution est destinée à l’achat de fournitures médicales d’urgence, des médicaments pour traiter les personnes souffrant de maladies chroniques et de nourriture enrichie pour accroître les défenses immunitaires de la population vulnérable.

Ces mêmes entreprises dominicaines avaient auparavant organisé une distribution de masques et de gel antibactérien. Il s’agit d’une aide conséquente dans un pays qui a un système de santé plus apte à répondre aux défis de l’heure contrairement à Haïti où même dans les hôpitaux récemment (re) construits, il manque des équipements, des intrants, des personnels qualifiés, bref les conditions optimales de fonctionnement. Et une économie longtemps plus dynamique que celle d’Haïti, son deuxième partenaire commercial après les États-Unis en termes de volume de biens et de marchandises exportés.

On reproche fort souvent aux autorités haïtiennes sa maladresse, ses faiblesses structurelles et un manque de transparence. Mais ce n’est pas avec les reproches qu’on va sauver une maison en feu, encore moins empêcher le covid-19 de démultiplier les cas de contamination et décès dans le pays. Il faut, au contraire, penser la riposte, planifier la prise en charge, écrire le protocole et anticiper les contingences. Mais où est passé le secteur privé haïtien dans la riposte contre la covid-19 ?

Mis à part l’enveloppe de 50 millions de dollars obtenue par le gouvernement de M. Jouthe à partir de la désaffectation de certains projets financés par la Banque interaméricaine de développement (BID), le pays est parti à la recherche de l’aide. Auprès de Cuba (personnel soignant) ou le Fonds monétaire international par un mécanisme de crédit rapide dont le montant n’est pas connu, pour l’instant, la seule décision importante de certaines entreprises commerciales a été d’ordonner la fermeture de leurs portes pour empêcher la propagation du Coronavirus dans le pays. Plus d’un peuvent avancer les méfaits dévastateurs des mouvements de protestation baptisés « pays lock » sur l’économie en 2019, pour justifier la réticence ou le peu d’engagement du secteur privé dans la lutte contre la propagation de la maladie envers d’abord le peuple haïtien. Car toute aide sous forme de matériels pour le personnel soignant ou contribution financière pour l’achat de kits de dépistage ou assistance à la population sera au bénéfice de la population sans distinction.

Au temps du coronavirus, la seule bataille qui compte c’est celle pour sauver le plus grand nombre. Sans l’aide indispensable des étrangers tout comme des nationaux, nulle victoire n’est envisageable. L’État, la population, le secteur privé ont chacun une partition à jouer pour la réussite de l’orchestre.

Il est un fait que l’État haïtien, avec ses caractéristiques viscérales d’État faible – pour reprendre l’expression d’André Corten – est arrivé à un carrefour où un dépassement est plus que nécessaire pour obtenir des résultats tangibles contre la pandémie. La crise du Covid-19 offre un terreau pour optimiser la concordance des intérêts du secteur privé et du reste de la société.

Haiti 24
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