Est-ce bien raisonnable de… s’offrir un jean neuf ?

Est-ce bien raisonnable de… s’offrir un jean neuf ?

JEAN-MICHEL TIXIER POUR M LE MAGAZINE DU MONDE Si le vice du shopping est évidemment bien moins difficile à vivre et à assumer que celui de l’alcool ou du jeu, il n’en génère pas moins de nombreux désagréments. Tous ceux qui aiment s’habiller et prennent plaisir à accumuler fringues et accessoires pourront attester de problèmes

Si le vice du shopping est évidemment bien moins difficile à vivre et à assumer que celui de l’alcool ou du jeu, il n’en génère pas moins de nombreux désagréments. Tous ceux qui aiment s’habiller et prennent plaisir à accumuler fringues et accessoires pourront attester de problèmes financiers minant leur existence, de soucis de rangement dévastant leur logis et, pire encore, de dilemmes moraux lestant leur conscience.

De fait, comment justifier de consacrer tant d’énergie à cette question en des temps si troublés ? Comment, même si on considère qu’un vêtement bien choisi est un objet culturel aussi noble qu’un livre ou un disque, accepter de nourrir une industrie aussi peu vertueuse ? Comment ne pas culpabiliser devant le péril écologique représenté par la surconsommation d’habits ? Comment, aussi, continuer d’acheter sans sourciller des jeans neufs ?

A l’aune de la question écologique, ceux-ci représentent en effet un cas bien particulier, pour ne pas dire désespéré. On considère en effet qu’il faut en moyenne 10 000 litres d’eau pour en produire un. On sait aussi qu’un jean parcourt en moyenne, de la fabrication à la vente, plus de 50 000 kilomètres avant d’arriver dans la penderie de son acheteur final.

Robustesse hors norme

On n’ignore pas non plus que les opérations de délavage et de vieillissement de la toile sont extrêmement toxiques pour l’environnement, voire pour les ouvriers qui les appliquent. Dans le même temps, sa nature même appelle à une consommation différente. Vêtement de travail, il se caractérise en effet par sa robustesse hors norme, sa facilité à être rapiécé et sa capacité à se patiner au fil du temps.

Ainsi, puisqu’il ne meurt jamais, ou presque, le jean remplit les rayons des magasins d’occasion. Ainsi, pour peu que l’on se donne la peine de chercher, il est possible de trouver toutes les tailles, toutes les coupes, toutes les patines, toutes les couleurs et toutes les finitions, même les pires, dans les rayons vintage.

Si la seconde main n’est pas l’ultime solution à la surconsommation vestimentaire, c’est une réponse pleine de bon sens pour quiconque cherche un jean, mais accepte de regarder les chiffres en face : il se vend 2,3 milliards de ces pantalons neufs chaque année à travers le monde, dont 67 millions en France. C’est beaucoup. C’est même beaucoup trop.

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Marc Beauge
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