Loi contre la vie chère en outre-mer : le Sénat adopte un texte jugé insuffisant face à la flambée des prix

Loi contre la vie chère en outre-mer : le Sénat adopte un texte jugé insuffisant face à la flambée des prix

Des sympathisants du RPPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens) attendent leur leader Rodrigue Petitot, alias « Le R », lors d’un rassemblement pour discuter de la lutte contre la vie chère, à Fort-de-France, en Martinique, le 19 octobre 2024. PHILIPPE LOPEZ/AFP La lutte contre la « vie chère » en outre-mer, érigée comme

Des sympathisants du RPPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens) attendent leur leader Rodrigue Petitot, alias « Le R », lors d’un rassemblement pour discuter de la lutte contre la vie chère, à Fort-de-France, en Martinique, le 19 octobre 2024.

La lutte contre la « vie chère » en outre-mer, érigée comme « urgence » par le premier ministre, Sébastien Lecornu, a franchi une étape, mercredi 29 octobre, avec l’adoption au Sénat d’un projet de loi. Celui-ci a néanmoins été jugé largement insuffisant par les parlementaires, qui craignent d’attiser la « déception » des territoires ultramarins.

Porté par la nouvelle ministre des outre-mer, Naïma Moutchou, le texte a été très largement adopté à main levée et est désormais transmis à l’Assemblée nationale.

Mais derrière ce soutien net à la quinzaine de mesures techniques proposées par le gouvernement, les débats ont surtout révélé les frustrations des élus ultramarins. Nombre d’entre eux se sont d’ailleurs abstenus. Ces derniers espéraient en effet une loi plus ambitieuse pour défendre le pouvoir d’achat et relancer la transparence et la concurrence au sein des territoires d’outre-mer, sujets au cœur des manifestations qui ont secoué la Martinique à l’automne 2024. Selon l’Insee, l’écart de prix pour les produits alimentaires peut atteindre jusqu’à 42 % entre ces territoires (Guadeloupe et Martinique en tête) et la France métropolitaine. En Guadeloupe, les prix alimentaires ont bondi de 35 % en dix ans.

Des attentes déçues

« Il convient de ne pas donner de faux espoirs, qui engendreront bientôt d’amères déceptions chez nos concitoyens ultramarins », a noté Micheline Jacques, sénatrice (Les Républicains) de Saint-Barthélemy et rapporteure d’un projet de loi qu’elle qualifie « d’outil de communication ».

Le constat est le même dans les rangs socialistes, où la sénatrice de Martinique Catherine Conconne a dénoncé une occasion manquée. « Cette loi-extincteur ne va pas éteindre le feu de la vie chère sous nos yeux » car elle « n’a pas pris en compte le problème des revenus », a-t-elle lancé. « Il n’y a pas un centime de mis par le gouvernement », a constaté l’ancien ministre socialiste des outre-mer Victorin Lurel. Naïma Moutchou a assumé le « choix » du gouvernement de ne pas s’inscrire « dans le champ social et budgétaire », estimant que la question des « revenus » devait se résoudre « dans la durée ».

Signal fort des réserves du Palais du Luxembourg vis-à-vis de ce projet de loi, les sénateurs ont supprimé l’une de ses mesures phares : l’exclusion des frais de transport du calcul du seuil de revente à perte (SRP), c’est-à-dire la limite de prix en dessous de laquelle un distributeur ne peut revendre un produit sous peine d’être sanctionné. Une baisse de ce seuil devait permettre, espère le gouvernement, une diminution des prix en rayon, notamment pour les produits de première nécessité. Mais les sénateurs craignent qu’une telle disposition ne favorise plutôt la position dominante des gros distributeurs.

Autre point majeur de crispation au Sénat, la mise en place d’un mécanisme de « péréquation » pour réduire les « frais d’approche » (transport, taxes…) des produits de première nécessité, particulièrement élevés en outre-mer en raison de l’éloignement des territoires.

Peu d’avancées concrètes

Là encore, le gouvernement n’a pas convaincu, refusant d’associer l’Etat à ce nouveau mécanisme censé réunir distributeurs et entreprises de fret maritime. Même le chef du groupe macroniste, François Patriat, a soulevé « un vrai désaccord de fond » avec le gouvernement, estimant que ce refus allait à l’encontre de « la parole donnée » aux territoires ultramarins. Résultat : le Sénat a supprimé la mesure… Conduisant Naïma Moutchou à reconnaître : « Le projet de loi risque quelque peu d’être vidé de sa substance. »

Les sénateurs ont tout de même soutenu le renforcement du « bouclier qualité-prix » (BQP), qui fixe le prix d’un panier de produits de première nécessité, et visera désormais une réduction effective de l’écart de prix avec l’Hexagone et non plus une simple modération.

Ils ont aussi souhaité confier aux préfets des outre-mer la possibilité de réguler temporairement le prix en cas de crise, comme une catastrophe naturelle. Une mesure similaire plus spécifique en la matière, qui concerne les eaux en bouteille, problématique centrale en outre-mer, a également été votée.

Le texte intègre également tout un volet relatif à la transparence, avec plusieurs exigences imposées aux entreprises en matière de transmission de données sur leurs marges et leurs comptes, assorties pour certaines de sanctions. Un amendement socialiste subordonnant l’octroi d’aides publiques aux entreprises dans les outre-mer au respect de l’obligation de publication de leurs comptes sociaux, a par ailleurs été adopté.

Le Monde avec AFP

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