Peut-on encore attendre le taux de croissance de 3.9% d’ici la fin de l’exercice fiscal 2017-2018 ?

Peut-on encore attendre le taux de croissance de 3.9% d’ici la fin de l’exercice fiscal 2017-2018 ?

L’administration Moïse/Lafontant espère, à partir de la loi de finances 2017-2018, atteindre un taux de croissance de 3.9 % d’ici la fin de l’exercice. Pour y arriver, les gouvernants ont l’ambition d’adopter de nouveaux mécanismes, notamment des dettes pour financer le budget de la République. Alors qu’un déficit budgétaire de 14.5 milliards de gourdes a été déjà enregistré durant les six premiers mois de l’exercice. Et, l’adoption d’un budget rectificatif (possiblement à la hausse) s’avère nécessaire. À cet effet, le taux de croissance prévu est-il hypothétique ? Analysons les données …

Dans la rubrique « autres financements internes des projets », de la loi de finances, qui représente près de 18 milliards 450 millions 145 mille 101 gourdes, le gouvernement avait-il prévu de collecter 630 millions sur les bons spéciaux de la diaspora pour la technologie, soit 3.4 % du montant global, pour le fonds de syndication, il envisageait de collecter 8 milliards 503 millions 500 mille gourdes, ce qui représente 46.2 % de la somme totale, pour le Fonds d’entretien routier (FER), une collecte de 782 millions 589 mille 17 gourdes a été prévue, soit 4.3 % du montant total de l’annulation de la dette du Fonds monétaire international (FMI) qui se chiffre à 5 milliards 762 millions 898 mille 132 gourdes, ce qui fait 31.3 % du montant total. À ces détails, s’ajoutent les autres fonds de contrepartie qui s’élèvent à 2 milliards 426 millions 157 mille 952 gourdes, soient 13.2 % de la somme globale susmentionnée.

Et, les principales hypothèses retenues au titre de la loi de finances 2017-2018 sont notamment une croissance réelle de l’économie de 3,9% portée par une croissance soutenue de la valeur ajoutée du secteur agricole ; une inflation de 13,4% en moyenne annuelle et de 11,4% en fin de période sur la base d’une légère appréciation de la monnaie locale et de l’élimination totale de la subvention des produits pétroliers ; une pression fiscale aux environs de 12,7% ; des dépenses d’investissement en hausse par rapport aux prévisions du budget rectificatif de l’exercice en cours ; des réserves nettes de change correspondant à environ 5 mois d’importation ; et un taux de change plus ou moins stable.

En effet, les prévisions budgétaires attendues du gouvernement Lafontant sont hypothétiques si l’on réellement tient compte de la situation actuelle du pays. Pour expliquer, le secteur agricole pris comme fil conducteur de l’atteinte des objectifs visés, n’est pas au rendez-vous en dépit des efforts déployés par la Caravane du changement du Président Jovenel Moïse.

Si l’État haïtien avait prévu un taux de croissance de 3.9 %, la CEPALC (Communauté économique pour l’Amérique latine et des Caraïbes) de son côté avait prédit une croissance de 2.2% pour l’économie haïtienne en 2018 contre 1.3% en 2017, anticipant une reprise modérée des économies de la région avec une progression attendue à 2.2%, dans son dernier rapport intitulé « balance préliminaire des économies de l’Amérique latine et des Caraïbes 2017 ». À cette fin, la CEPALC aura-t-elle raison, ou encore atteindre un taux de croissance plus bas que celles prévues (3.9 % et 2.2 %) d’ici la fin de l’exercice fiscal ?

En dépit d’une période plus ou moins stable qui a été constatée au cours des six derniers mois, le premier trimestre de l’exercice 2017-2018, on observe, pour l’heure, une dépréciation poussée de la gourde, soit environ 67 gourdes pour 1 dollar. Et, ce, malgré une atténuation des pressions inflationnistes dans l’économie haïtienne, avec notamment 12.9 % en mars contre 13.2 % au mois de févriers 2018. Cette décote de la gourde par rapport au dollar américain surgit à un moment où la Banque de la République d’Haïti (BRH) ne cesse de multiplier les interventions sur le marché des changes afin de stabiliser la monnaie locale. Est-ce à dire, un surplus de liquidité en gourdes dans le système bancaire haïtien est à la base de cette situation conjuguée à la détérioration de la balance commerciale du pays ? Des réponses avec les autorités monétaires sont attendues…

Pour rappel, la BRH, via sa stratégie dite « Open Market », a injecté 25 millions de dollars américains en janvier 2018, sans compter les 10 millions déboursés en septembre 2017 pour essayer de corriger la donne. Cela a fait peur par rapport à la faible réserve de 800 millions dont dispose la Banque des banques. Changer maintenant de stratégie, n’est-il pas un impératif ? La BRH continuera-t-elle à puiser les réserves de changes du pays pour tenter en vain de stabiliser la monnaie locale par rapport à la devise américaine ? il est donc opportun d’aborder la dépréciation du taux de change d’une autre manière tout en apportant des antidotes nécessaires pour essayer solutionner les causes structurelles, étant à la base de cette fluctuation incessante…

Therno N. A. Senelus

Haiti 24
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