L’ONU a annoncé le déblocage de 9 millions de dollars d’urgence pour Haïti, en réponse à l’aggravation de la crise humanitaire causée par les violences des gangs et la faim qui touche la moitié de la population. En visite à Port-au-Prince, le responsable humanitaire Tom Fletcher a alerté sur le risque de fermeture de l’Hôpital universitaire de la Paix, le dernier établissement public encore fonctionnel dans la capitale.
Port-au-Prince, 10 septembre 2025 – Le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence, Tom Fletcher, a annoncé mardi l’allocation de 9 millions de dollars supplémentaires en faveur d’Haïti. Cette décision intervient dans un contexte marqué par l’escalade des violences des gangs et une crise alimentaire aiguë qui plonge la moitié de la population dans la faim.
Une visite marquée par l’urgence
En mission depuis lundi, Fletcher a visité plusieurs sites à Port-au-Prince, dont un camp de fortune où survivent 5 000 déplacés internes, ainsi que l’Hôpital universitaire de la Paix, le seul établissement public encore fonctionnel dans la capitale assiégée par les gangs.
« Il serait déchirant que cet hôpital, dont tant de gens dépendent, cesse de fonctionner alors qu’il accomplit un travail immense avec courage et expertise. Nous ne pouvons pas échouer ici », a-t-il déclaré, soulignant que le service des urgences risque de perdre une grande partie de son personnel dès la fin du mois faute de financements.
La Paix : dernier bastion de santé publique
Situé à proximité de zones récemment attaquées par des groupes armés, l’hôpital La Paix est devenu un véritable poumon sanitaire pour des milliers d’Haïtiens. Chaque année, il assure près de 3 600 interventions chirurgicales et a accueilli plus de 20 600 cas d’urgence en 2024, dont une majorité liée à des traumatismes par balles ou armes blanches.
Malgré son fonctionnement exemplaire, l’établissement manque de matériel moderne et dépend de générateurs pour l’électricité. Ses médecins et infirmiers opèrent sans distinction sociale, soignant à la fois des journalistes blessés lors d’attaques, des policiers visés par des gangs et des femmes victimes de violences sexuelles.
Une crise humanitaire sous-financée
Selon Fletcher, la crise haïtienne est aujourd’hui la moins financée au monde, malgré son ampleur. Sur les 908 millions de dollars demandés par l’appel humanitaire des Nations Unies, seuls 105 millions ont été reçus à ce jour.
« Quand on observe les signaux d’alerte, ils concernent souvent la protection des femmes et des filles dans ces crises négligées. C’est la logique de l’utilisation de ces fonds d’urgence », a-t-il expliqué au Miami Herald.
Le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a précisé que l’argent provient du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) et servira à renforcer l’assistance vitale pour les plus vulnérables, en particulier les déplacés dans le Centre et l’Artibonite, confrontés à des pénuries aiguës de nourriture, d’eau, d’abris, de soins et de protection.
Un système de santé au bord de l’effondrement
Depuis plusieurs mois, les attaques de gangs ont conduit à la fermeture de la majorité des hôpitaux de la capitale, y compris le plus grand établissement public du pays, l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH). Le personnel médical est régulièrement la cible d’enlèvements, tandis que les ambulances sont braquées et pillées.
Face à plus de 1,3 million de déplacés internes et à une insécurité alimentaire massive, La Paix est devenue la dernière ligne de défense du système sanitaire haïtien.
« Nous ne pouvons pas détourner le regard »
Malgré la peur d’un effondrement total, Fletcher s’est dit impressionné par la résilience et le professionnalisme du personnel médical haïtien. « Chaque jour, des milliers de personnes sont traitées ici. Mais tout cela est menacé par l’absence de financement à la fin septembre », a-t-il insisté.
Son message est clair : la communauté internationale ne peut pas ignorer la souffrance haïtienne. « Nous ne pouvons pas détourner le regard. Nous devons agir, et vite. »